Verset(s) de la Bible Mt 16,13-20

Célèbre texte que la confession de foi de Pierre à Césarée.
Cette petite ville est au Nord de la Palestine. C'est là que Jésus a un entretien avec ses apôtres au cours duquel Simon confesse que Jésus est le messie et qu'il reçoit un nom nouveau (Pierre), une mission, et aussi les clefs du Royaume.
 
Ce texte a fait et fait encore couler beaucoup d'encre :

Que mettre sous les termes "messie", "fils de Dieu" ?
Que veut dire Jésus lorsqu'il dit qu'il bâtira son Eglise sur Pierre et qu'il lui remet les clefs ? 
Quel enracinement historique ce texte peut-il avoir ? N'est-il pas une relecture de l'Eglise naissante ?
Est-ce là une écriture de l'Eglise ou bien ce verset a-t-il un fond historique ? 

Voir les commentaires après le tableau.

La confession de Pierre à Césarée

(16,13)  Arrivé dans la région de Césarée de Philippe, Jésus posa à ses disciples cette question : "Au dire des gens, qu'est le Fils de l'homme ?"
(16,14)  Ils dirent : "Pour les uns, Jean le Baptiste ; pour d'autres, Elie ; pour d'autres encore, Jérémie ou quelqu'un des prophètes" -- 
(16,15)  "Mais pour vous, leur dit-il, qui suis-je ?" 
(16,16)  Simon-Pierre répondit : "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant." 
(16,17)  En réponse, Jésus lui dit : "Tu es heureux, Simon fils de Jonas, car cette révélation t'est venue, non de la chair et du sang, mais de mon Père qui est dans les cieux. 
(16,18)  Eh bien ! moi je te dis : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les Portes de l'Hadès ne tiendront pas contre elle.   
(16,19)  Je te donnerai les clefs du Royaume des Cieux : quoi que tu lies sur la terre, ce sera tenu dans les cieux pour lié, et quoi que tu délies sur la terre, ce sera tenu dans les cieux pour délié."
(16,20)  Alors il ordonna aux disciples de ne dire à personne qu'il était le Christ.

Bible de Jérusalem (Ed. 1975)

Voir aussi (Les fondements bibliques, page 374)
Ce tableau permet de situer la genèse d'un texte biblique (Mémoire, Écriture, Relecture) dans un contexte
de religions environnantes, seuil par seuil, dans des expressions de foi situées.
Religions environnantesSeuilExpressions de la FoiGenèse du texte
 
  La religion mésopotamienne 1 Les dieux du ciel - Aux origines    
  La religion égyptienne Patriarches - Le semi-nomadisme    
  La religion d'Ugarit Assimilation/rejet - Immigration    
 Début de l'écriture biblique
    - VIIIe siècle Le Baal syro-phénicien 2 Luttes contre Baal - Royaumes unifiés    
    - VIIe siècle Le Marduk assyrien Trahison du frère - Chute de Samarie    
L'Alliance - Le Temple de Josias    
    - VIe siècle Le Marduk babylonien Hénothéisme - L'Exil    
    - Ve siècle
- IVe siècle
Mazdéïsme perse Monothéismes d'Alliance    
Prêtres et Légistes - Second Temple    
Courant apocalyptique    
    - IIIe siècle L'Hellénisme égyptien Hellénisation - Alexandre    
    - IIe siècle L'Hellénisme syrien Persécutions - Antiochus IV    
    L'Hellénisme syrien Séparation des Asmonéens - Esséniens    
    - Ier siècle Rome La foi dans un Judaïsme éclaté MEMOIRE 1  
 
    de 0 à 33 Judaïsme officiel et apocalyptique sous domination romaine 3 Jésus, irruption d'un nouveau monde MEMOIRE 2  
Jésus et le Temple    
Jésus et la Torah    
Jésus et la Pâque    
 Premiers écrits du Nouveau Testament
    de 33 à 70 Judaïsme officiel 4 A Jérusalem    
Missions Judéo-chrétiennes    
En Samarie    
En Syrie ECRITURE 1  
A Rome    
A Ephèse    
 La tradition patristique
    + 135 Judéo-christianisme   Les Pères apostoliques    
Les Pères d'Orient    
Les Pères d'Occident    
Les Pères du désert RELECTURE 1  
Des Victorins aux Scholastiques    
 
(MEMOIRE 1) 

Ce texte présent chez les trois synoptiques ne peut vraiment se comprendre qu'à la lumière d'un fond araméen. Il remonte à la toute première catéchèse, puisant elle-même dans les mémoires au temps de Jésus. 
La question de Jésus en particulier doit remonter aux plus anciennes catéchèses et même aux traditions des Paroles de Jésus.  

Qui est "le Fils de l'homme" ?

(16,13)  Arrivé dans la région de Césarée de Philippe, Jésus posa à ses disciples cette question : "Au dire des gens, qu'est le Fils de l'homme ?"  
Jésus est au Nord de la Galilée, à Césarée de Philippe. Avant de monter à Jérusalem, dans le cadre du calendrier de Marc en un an (suivi par les synoptiques Matthieu et Luc), Jésus fait le bilan de sa mission en Galilée. Il pose une question qui, dans les trois récits  des synoptiques, décalque une expression araméenne : que disent "bar nashah/les hommes", qu'est "bar nashah/le "fils de l'homme/Je". Pour comprendre les versions différentes de la même parole en araméen (+1). Nos traducteurs français simplifient : "Qui dit-on que je suis ?"
On peut donc traduire, à partir des versions grecques de la tradition de ce dire araméen : Que dit-"on" (ou Matthieu : "les hommes" ou Luc : "la foule") qu'est le "fils de l'homme" (Marc et Luc : que "Je" suis).
Jésus interroge sur la manière dont les foules ou les hommes le perçoivent, lui, personnellement : "Que dit-on que "je" (Fils de l'homme = Je) suis". Mt et son Eglise de langue araméenne peuvent aller plus loin dans la compréhension : "Que dit-on qu'est le Fils de l'homme" ; cela vise alors le Fils de l'homme de Daniel (Dn 7) ; ou encore : que disent les gens de cette attente du "fils de l'homme" chez tous ceux qui espèrent une nouvelle irruption de la révélation de Dieu dans le temps ou ont commencé à me découvrir comme ce "fils de l'homme" attendu depuis l'époque des martyrs avec le prophète Daniel (Dn 7,13).
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(+1)
Fils de l’homme/bar (e) nasha. En araméen : quatre sens possibles :
- L’homme en général.
- Le pronom indéfini "on".
- bar nasha/Hahu gabra
circonlocution pour dire « votre serviteur » = Je.
- Le Fils de l’homme de Daniel.
Les Évangiles jouent avec les quatre sens, ce qui respecte l’identité de Jésus qui doit rester secrète pour ne pas éveiller la jalousie de Satan (Sigmund Mowinckel, He that cometh, Paperback 2005).
Que dit « bar nashah » qu’est « bar nashah » ? Cela devient dans les évangiles en grec :
- (Mt 16,13) : « Que disent « les hommes » qu’est le « fils de l’homme » ?
- (Mc 8,27) : Que dit-« on » que « je » suis ?
- (Lc 9,18) : Que disent « les foules » que « je » suis ?
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(MEMOIRE 2)

Fond araméen ancien, remontant à Jésus lui-même.
(16,14)  Ils dirent : "Pour les uns, Jean le Baptiste ; pour d'autres, Elie ; pour d'autres encore, Jérémie ou quelqu'un des prophètes." 
Jésus est compris par les foules qui attendent une irruption apocalyptique de la Parole de Dieu. (+1) Certains reconnaissent cette irruption dans la prédication de Jean Baptiste (la fin du monde est imminente). D'autres reconnaissent cette irruption en Jésus : serait-il Elie - celui dont on attend le retour pour une irruption céleste puisqu'il est remonté au ciel (Ml 3) ? Serait-il Jérémie - irruption prophétique dans la ligne d'une "nouvelle alliance" (Jr 31,31-34) ? (+2)
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(+1)
la prophétie pour le courant officiel a cessé avec Zacharie et Malachie.
(+2)
Cette nouvelle Alliance est confondue avec celle d'Ézéchiel (Ez 36,25-28), d'où l'expression "un des prophètes". Il ne semble pas que le "fils de l'homme" de Daniel soit évoqué par les foules parmi les prophètes attendus. On en reste à l'appréciation du "Je" de Jésus, sans le sens daniélique de "fils de l'homme".
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(MEMOIRE 2)

Fond araméen ancien.
(16,15)  "Mais pour vous, leur dit-il, qui suis-je ?" 
Devant cette gamme de possibilités apocalyptiques, Jésus demande à ses proches de se déterminer. Le sens johannique du "je suis", pastiche grec du tétragramme (Je suis celui qui suis), ne cadre pas avec le fond araméen et ne pourrait être qu'une relecture tardive de l'évangile de Matthieu. Il faut donc préférer la définition du bar nasha = "Je". "Pour vous, qui suis-je - avec, peut-être en arrière-fond, la question du "fils de l'homme" de Daniel). 

(16,16)  Simon-Pierre répondit : "Tu es le Christ (oint), le Fils du Dieu vivant."  
Le mot (Christos) cette fois est grec, mais il traduit différentes perceptions du "mashiah/oint" attendu. A Qumran, le "messie" prêtre était déjà venu en la personne du "maître de Justice" et agissait aussi comme "prophète". Dans le rouleau du Temple, un "Messie" d'Israël/roi était attendu ; il prendrait la tête des armées pour restaurer le Temple de Jérusalem tenu par les "fils de ténèbres". Plusieurs messies étaient donc possibles, reflétant les attentes des gens ouverts à une irruption apocalyptique d'un envoyé de Dieu.
Le "Fils du Dieu vivant" n'est pas plus précis. Tout juif est "fils de Dieu". Le "fils" par excellence était le roi cf. (Ps 2 ; Ps 89(88)). Peut-être ce sens est-il sous-jacent à la déclaration de Pierre, car sans cela on ne voit pas ce qui aurait pu déclencher l'admiration de Jésus. Luc traduit "le mashiah de Dieu" et reste ainsi dans les généralités à moins qu'il ne vise celui qui est intronisé dans le ciel (Ps 110). (+1) 
Ce sens rejoint celui, sous-jacent au titre "fils du Dieu vivant", chez Matthieu. Il n'est pas improbable puisque ce titre de "roi des juifs" est, chez (Jn 19,19), le motif de condamnation affiché sur la Croix.
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(+1)
Ce serait de nouveau le Messie/Roi attendu à Qumran pour que les eucharisties de pain et d'eau soient faites avec le vin. cf. la règle annexe de la communauté II,12-22.
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(MEMOIRE 2)
Fond araméen ancien

 

La réponse de Jésus à Pierre

(16,17) En réponse, Jésus lui dit : "Tu es heureux, Simon fils de Jonas."
La réponse de Jésus à Pierre, sous forme de "béatitude" ne se trouve pas dans les autres évangiles. De là à dire que c'est une relecture postpascale de l'Eglise de Syrie à qui est destinée l'évangile de Matthieu, il n'y a qu'un pas, souvent franchi, un peu vite.
En fait, cette réponse de Jésus à Pierre relève d'un fond araméen que nous mettrons en évidence dans le commentaire. D'autre part elle suppose une connaissance des nuances de l'hébreu entre Sèla'/roche ; Kèph/pierre ronde ; 'èven : pierre ; Tzur/rocher protecteur. Il est clair que les grecs de Corinthe connaissaient une appellation de Pierre comme "Kèpha" (1 Co 1,12 ; 3,22 ; 9,5 ; 15,5 ; Ga 1,18) et que ce nom rappelait les origines du mouvement. Plus précisément encore cela rappelait l'altercation à Antioche entre Paul et Pierre
(Ga 2,9.11.14). Il est donc compréhensible que la réponse de Jésus à Pierre apparaisse dans l'évangile adressé à l'Eglise d'Antioche, selon des "mémoires" qui devaient être conservées dans l'évangile araméen de Mt adressé à cette Eglise. Les autres Eglises connaissaient seulement le nom de "Zume'ôn  Petros/Shime'on Petros" qui en était la traduction habituelle en grec. La question demeure dont entière : quel mot hébreu ou araméen se cache derrière la traduction grecque par "petros/pierre" qui devient, dans les évangiles écrits en grec, le nom de l'apôtre. Petros/pierre sous-entend-il :
- "tzur", le "rocher protecteur" ? Ce serait étonnant car cette appellation est propre à YHWH.
- Sous-entend-il "sela'" la "roche", symbole de solidité ? Mais Pierre n'est pas très solide dans les évangiles... Cf. ses reniements.
- "keph" est son surnom araméen permettant de le distinguer des multiples porteurs du nom "shime'on" dans le pays.
- Il reste "'even" qui associé - comme dans notre texte - à "shetiyyah/fondation", servait à désigner le rocher du Temple vénéré comme centre du monde et jardin d'Eden, surtout après la disparition de l'arche du temple au temps de l'Exil à Babylone.
Cette péricope de l'évangile dans laquelle Jésus pose à ses disciples les questions sur son identité, poserait-elle aussi la question sur l'identité de Shim'on son apôtre ? Un changement de nom dans la Bible a toujours une signification fondatrice.
Shime'on reçoit une "béatitude" qui comme le premier mot du psautier (Ps 1,1), inaugure une vocation dans l'Alliance. Comme Abraham, après avoir reçu l'Alliance de la circoncision, voit son nom changé (Gn 17,5), de même Shimé'on perd son nom ancestral pour le nom de "petros" (Mt 16,16).Son surnom araméen était déjà Keypha, le caillou rond qu'on lance comme une balle. Il garde sa généalogie : Fils de Yonas : la colombe qui, comme au baptême de Jésus, signifie Israël rentrant d'Exil (Os 7,11 ; 11,11).
Quel mot hébreu se cache derrière le grec "petros" ? Est-ce son surnom de "keypha" ? Mais alors, il n'y a pas de changement de nom, ni de vocation. Or, le sens du changement de nom est donné par la finalité de la vocation, ici : sur cette pierre je bâtirai mon Eglise. Keypha était le surnom de Shime'on. Il faut donc comprendre que ce surnom va maintenant renvoyer à un autre type de "pierre". (+1) Jésus monte à Jérusalem . Prévoyant qu'il y risquera sa vie, il désigne Simon-Pierre comme pierre sur laquelle sera fondée son Eglise. Il devient donc "'even Shetiyyah" de l'Eglise - l'assemblée - de Jésus, tout comme l'Even shetiyyah du Temple en était la pierre de fondation en l'absence de l'arche détruite ou disparue. Lorsque Jésus ne sera plus là, Shime'on sera cette "pierre de fondation" marquant le lieu de l'Alliance nouvelle sur laquelle sera bâtie l'Eglise du Christ. Tout ce passage est ancien comme le montrent les araméïsmes de la suite du texte. 

Car cette révélation t'est venue, non de la chair et du sang...
la chair et le sang désigneraient en grec la lignée biologique (Rm 1,3). Mais ici, il ne peut s'agir de cela ; car en hébreu et en araméen, l'expression désigne la limite humaine dans la rencontre de Dieu. Pour faire bref, c'est une révélation qui ne vient pas de toi mais du ciel.

mais de mon Père qui est dans les cieuxPère qui est dans les cieux est encore un sémitisme.

(16,18) Eh bien ! moi je te dis : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église 
La "pierre de fondation/'even shetiyyah" marquant le lieu de la nouvelle tente de la rencontre, d'où se fait sainte la convocation (Qehal/ekklesia) du peuple, se fera maintenant autour de Kepha' devenu pierre de fondation/'even shetiyyah.
L'arrière-plan vétérotestamentaire de la reconnaissance par Pierre comme "messie davidique", "fils de Dieu" est 2 S 7 (promesse qu'un descendant de David régnera et YHWH le traitera comme un fils ; promesse faite à David lorsqu'il exprime le désir de bâtir un temple pour YHWH). Dans la promesse de Jésus de bâtir une Eglise, Pierre reconnaît l'accomplissement de cette promesse faite à David.(+3)
et les Portes de l'Hadès ne tiendront pas contre elle.
Encore un aramaïsme ! Les portes de l'Hadès ne pourront tenir enfermés plus longtemps ceux que le péché ancestral y a maintenus, car Pierre, 'even shetiyyah, continuera l’œuvre de délivrance opérée par Jésus.

(16,19)  Je te donnerai les clefs du Royaume des Cieux. 
A Qumran, celui qui avait les clefs était le responsable de l'entrée ou non dans la communauté des novices, maintenus éloignés des repas sacrés pendant leur temps de formation. Ces repas sacrés étaient appelés "les puretés". Ensuite de quoi, le détenteur des clés pouvait lier ou délier - permettre ou non - l'entrée dans la communauté et les applications pratiques du respect de la règle, en terme de punition ou d'action de grâces. La punition était l'éloignement pour un temps de la secte et la récompense était la présence aux repas sacrés en compagnie des anges et la permission de donner tous ses biens à la communauté.

Quoi que tu lies sur la terre, ce sera tenu dans les cieux pour lié, et quoi que tu délies sur la terre, ce sera tenu dans les cieux pour délié.
"Lier" et "délier" dans le sens de permettre ou de défendre est une expression classique en judaïsme qui ne signifie pas directement, sans pourtant l'exclure, le pouvoir de remettre les péchés.
Tout ceci prend sens à la lumière de la littérature de Qumran (+2), même si la communauté de Jésus n'était pas du même ordre, car Jésus n'a pas fondé une communauté cénobitique - si tant est que Qumran l'ait jamais été -, ni opposée au Temple, comme l'était Qumran.
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(+1)
Après la destruction du premier Temple et la perte de l'arche, l'"'even shetiyyah" désignait l'emplacement de l'ancienne arche d'Alliance devenu le lieu de la fondation du monde et le nouveau jardin d'Eden avec la Torah comme arbre de vie. La pierre de fondation renvoie également à (1P 2,4-8) qui renvoie à (Is 28,16):'even mousad/pierre de fondation) qui se trouve aussi dans (Za 4,7) ('even haroshah/tête) ; ensuite (Za 4,9) : "les mains de zorobabel ont fondé/Yssedou cette maison", le second temple
(+2)
Assur et Mutar, permis et défendu se dit en hébreu "délié" et "lié". C'était la communion avec les anges ou au contraire l'éloignement de la communauté qui constituait le bien suprême au terme de ce qui était lié (Assur/défendu/lié) ou délié (Mutar/permis/délié).
Le "lié" et le "délié" ouvrait sur la communion avec le ciel.
(+3)
Raymond E. Brown, Que sait-on du Nouveau Testament ? avril 2011.
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(ECRITURE 1)

Retour au narratif en grec de Matthieu.
(16,20) Alors il ordonna aux disciples de ne dire à personne qu'il était le Christ. 

Jésus en bon pasteur, prévient ses fidèles disciples : il sait qu'en allant à Jérusalem, il y sera vivement contesté : n'a-t-il pas chassé les marchands du Temple - geste qui accomplissait (Za 14) ? Et ses venues aux fêtes de Sukkot - selon l'évangile de Jean - se sont toutes mal terminées. (+1)  
La montée de Jésus à Jérusalem est risquée et Pierre veut l'en empêcher. La confession de Césarée et la vocation de Shimé'on qui devient "pierre" signe de l'emplacement de la nouvelle arche d'Alliance est dans l'esprit de ce que pouvait vivre d'autres groupes itinérants.
Le récit se conclut - comme souvent chez Marc - par une mise en garde recommandant la discrétion : il ne faut pas réveiller la jalousie du Satan en exaltant le maître pour ses actions révélatrices de la force de Dieu. Jésus recommande que l'on ne dise à personne qu'il est le "oint" attendu, quelle qu'en soit la forme dont on voit bien dans le texte que l'identité reste très vague.
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(+1)
Dans le calendrier des synoptiques en un an, tout cela est résumé dans la fête de Kippur (correspondant à la confession de Césarée) et la fête de Sukkot (8 jours après cf. (Mt 17,1)) correspondant à la transfiguration où Pierre demande à dresser trois tentes.
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Augustin commente Ezéchiel et parle de Jésus et de Pierre comme unique pasteur. 

Un seul pasteur

Les bons pasteurs ne manquent pas, mais ils se trouvent en un seul. Ils sont nombreux, lorsqu'ils sont divisés.
Ici l'on parle d'un seul pasteur, parce que tout ce texte est en faveur de l'unité.
Ce n'est vrai que les pasteurs se taisent maintenant, et que le Seigneur est appelé pasteur parce qu'il n'a pas trouvé à qui confier ses brebis. Il les a confiées à quelqu'un, parce qu'il a trouvé Pierre. Mais en outre, il a mis en valeur l'unité dans la personne de Pierre. Il y avait beaucoup d'Apôtres, mais c'est à un seul qu'il a dit : "Sois le berger de mes brebis". Ne croyons pas qu'on manque aujourd'hui de bons pasteurs, ne croyons pas qu'on en manque, ne croyons pas que, dans sa miséricorde, Dieu ne va pas les engendrer et les instituer... (+1)

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(+1)
Suite du texte :
(...) Mais tous les bons pasteurs se retrouvent en un seul, ils ne font qu'un. Ils font paître les brebis, et c'est le Christ qui les fait paître. Les amis de l'époux ne prétendent pas avoir sa voix, mais "ils se réjouissent grandement à cause de la voix de l'époux". C'est donc lui qui fait paître, lorsqu'ils font paître ; et il dit "C'est moi qui fais paître" parce que c'est sa voix qui est en eux, c'est sa charité qui est en eux. Car Pierre lui-même, à qui il confiait ses brebis, comme à un autre lui-même, il voulait qu'il ne fasse qu'un avec lui ; il voulait lui confier ses brebis de telle sorte que lui-même resterait la tête, tandis que Pierre représentait le corps, c'est-à-dire l'Eglise ; de telle sorte que, comme l'époux et l'épouse, à eux deux, ils ne feraient plus qu'un...
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Le commentaire montre que ce texte a un fond très ancien. Il remonte à une catéchèse puisant dans les mémoires. La primitive Eglise a bien sûr relu ce texte qui, plus tard, a été interprété de diverses façons et a été aussi sujet à polémiques.
Chacun des synoptiques relate l'événement. L'évangile de Jean rend compte, d'une autre manière, de la confession de Pierre à la fin du discours sur le Pain de vie (Jn 6) et à la primauté de Pierre en (Jn 21).
C'est donc un texte fondamental.



En bref, la confession de foi de Pierre à Césarée

Après que Simon ait confessé que Jésus est le messie, le fils de Dieu, il reçoit le nom de Kepha "Pierre". Ce terme, dans le judaïsme, est un symbole de la présence de Dieu... cette présence qui, dans le Saint des saints du Temple de Jérusalem, est signifié par la "shetilla", une pierre, un caillou.
Jésus constate la fermeture des chefs du peuple ; il institue Pierre comme son successeur. Simon-Pierre devra être le fondement de l'Israël peuple nouveau inauguré par Jésus. La primauté de Pierre émerge des textes dès avant la mort de Jésus.
Les portes de l’Hadès ne tiendront pas contre elle : l'expression est araméenne et de teneur apocalyptique. Elle signifie que les puissance du Mauvais n'auront pas barre sur l'assemblée (ekklesia).
Pierre reçoit le pouvoir des clefs avec le pouvoir de délier et de lier, c'est à dire le pouvoir de faire entrer ou d'exclure ; il a donc pouvoir d'ouvrir l'accès au Royaume, par le Pardon (délier veut aussi dire : pardonner).  
Cette primauté s'exercera dans le domaine de la foi.
Pour la Tradition catholique, cela vaut aussi pour les successeurs de Pierre.
Plus tard, les clés seront vues comme le symbole des pouvoirs temporel et spirituel, ou plus précisément - la nuance est importante - l'une des clés renvoie au pouvoir temporel et l'autre clé à l'autorité spirituelle (+1).

en savoir plus
(+1) Pierre est souvent représenté avec deux clés (cf. statues, tableaux...).
Beaucoup de commentaires disent qu'une des clés est le symbole du paradis terrestre et l'autre symbole du paradis céleste : l'homme, pour vivre, aurait besoin d'une double direction en référence à sa "double fin". La clé du souverain Pontife conduit le genre humain à la vie éternelle, la clé de l'empereur dirige vers la félicité temporelle. A l'Eglise donc, ont été remises les deux clés ; ce qui veut dire que le pouvoir de l'empereur, le pouvoir temporel est sous l'autorité spirituelle de Pierre. Cela aurait structuré la hiérarchie temporelle jusqu'aux Lumières.
Le roi est roi parce que de lignée royale, mais il est fait roi par un pape qui, lui peut lui venir du peuple !
Une étude précise de l'histoire montre que derrière cette représentation, les choses sont plus complexes. 

Ces deux clés sont représentées sur le drapeau du Vatican. Mais les textes des évangiles parlent seulement des clés du Royaume et la préoccupation des évangélistes semblent bien éloignées de cette question du pouvoir temporel et spirituel.

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Les publications de référence :

Les Seuils de la Foi

Editions Parole et Silence et Université Catholique de Lille

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Le blasphème de JésusLe blasphème de Jésus
Les fondements bibliquesLes fondements bibliques
Entrer dans la foi avec la BibleEntrer dans la foi avec la Bible
Autre publication du père Jacques Bernard
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