Verset(s) de la Bible Is 45,7

Au cœur du livre du 2° Isaïe, écrit à la fin de l'exil à Babylone, vers (-538), nous trouvons cette affirmation.

Comment la comprendre ?
Comment cette affirmation a-t-elle été interprétée par le judaïsme ?
Et par le christianisme ?
voir aussi commentaire de (Is 45,6-7)

Voir les commentaires dans le tableau ci-dessous.

Dieu créateur du bien et du mal ?

(45,7)  Je façonne la lumière et je crée les ténèbres, je fais le bonheur et je crée le malheur, c'est moi, Yahvé, qui fais tout cela.
Bible de Jérusalem (Ed. 1975)

Voir aussi ( Les fondements bibliques, pages 269, 282 et 497)
Ce tableau permet de situer la genèse d'un texte biblique (Mémoire, Écriture, Relecture) dans un contexte
de religions environnantes, seuil par seuil, dans des expressions de foi situées.
Religions environnantesSeuilExpressions de la FoiGenèse du texte
 
  La religion mésopotamienne 1 Les dieux du ciel - Aux origines    
  La religion égyptienne Patriarches - Le semi-nomadisme    
  La religion d'Ugarit Assimilation/rejet - Immigration    
 Début de l'écriture biblique
    - VIIIe siècle Le Baal syro-phénicien 2 Luttes contre Baal - Royaumes unifiés    
    - VIIe siècle Le Marduk assyrien Trahison du frère - Chute de Samarie    
L'Alliance - Le Temple de Josias    
    - VIe siècle Le Marduk babylonien Hénothéisme - L'Exil    
    - Ve siècle
- IVe siècle
Mazdéïsme perse Monothéismes d'Alliance ECRITURE 1  
Prêtres et Légistes - Second Temple    
Courant apocalyptique    
    - IIIe siècle L'Hellénisme égyptien Hellénisation - Alexandre    
    - IIe siècle L'Hellénisme syrien Persécutions - Antiochus IV RELECTURE 1  
    L'Hellénisme syrien Séparation des Asmonéens - Esséniens    
    - Ier siècle Rome La foi dans un Judaïsme éclaté    
 
    de 0 à 33 Judaïsme officiel et apocalyptique sous domination romaine 3 Jésus, irruption d'un nouveau monde    
Jésus et le Temple    
Jésus et la Torah    
Jésus et la Pâque    
 Premiers écrits du Nouveau Testament
    de 33 à 70 Judaïsme officiel 4 A Jérusalem    
Missions Judéo-chrétiennes    
En Samarie    
En Syrie    
A Rome RELECTURE 2  
A Ephèse    
 La tradition patristique
    + 135 Judéo-christianisme   Les Pères apostoliques    
Les Pères d'Orient    
Les Pères d'Occident    
Les Pères du désert    
Des Victorins aux Scholastiques    
 
(ECRITURE 1)
VI° siècle av. JC : le roi perse Cyrus conquiert Babylone.

Au nom de sa foi en Mazda la Lumière, origine de tout, il renvoie les exilés chez eux. Sa foi est en un dieu tellement spirituel au niveau de l'abstraction qu'elle peut englober tous les autres dieux matériels comme le soleil, la lune et les astres. Ces dieux sont la couronne pour ainsi dire mineure de la Sagesse/lumière qui les domine. Cet hénothéisme non seulement tolère les autres dieux mais restitue leurs temples et leurs remparts aux peuples vaincus (+1).  

Bon(heur) et mal(heur)

(45,6)  Afin qu'ils sachent, du lever au coucher du soleil, que rien à part Moi, je suis YHWH et il n'y en a pas d'autre (pas d'autre dieu)

(45,7) façonnant la lumière et créant la ténèbre
Il crée même le dieu perse Mazda, la lumière ; cf. (Gn 1,1). Suivent deux versions : 

la première, classique :
faisant la paix (Shalom) et créant le malheur (ra‘)
 
la deuxième, selon une version plus ancienne, retrouvée à Qumran, 
faisant le bien (tov) et créant le mal (ra‘). Je suis YHWH qui faisant toutes ces choses.

La première partie du verset 7 voit YHWH créant la lumière (le dieu supérieur perse) et la ténèbre son envers. Rien n’échappe donc à la création par YHWH, Dieu d'Amour, seul Dieu.

Le texte poursuit :
Version authentique, faisant le bien et créant le mal,
Pour les perses, la ténèbre n'est que l'absence de lumière. Le bien et le mal, dont on constate en permanence la co-existence, sont aussi vieux que le monde et Mazda les domine de toute sa hauteur spirituelle. Pour les juifs, Dieu est un dieu d'alliance qui donne la Torah qui permet de choisir le bien plutôt que le mal. Et donc, la vie plutôt que la mort (Dt 30,15). Bien et mal ne disent pas la même chose chez les Perses et chez les Juifs selon lesquels YHWH est le seul Dieu. Ayant créé Lumière et ténèbre, il a aussi créé Mazda comme le dire Gn 1,2. S'il a tout créé, a-t-il aussi bien créé le bien que le mal?
Pour l'homme moderne, les hécatombes de morts à chaque étape de l'évolution n'ont pas attendu l'arrivée de l'homme et de son péché pour exister. C'est le mal lié aux limites du créé. Le mal moral lui, peut venir du péché, mais on ne voit pas comment YHWH aurait pu le créer. À mois que l'on dise de Dieu a tout créé avec sa limite mais en transfigurant cette limite dans son amour de sorte que le mal moral ne puisse venir de Lui mais du refus de cet amour. Ce refus d'Alliance originelle s'appelle le péché.
Pour les chrétiens (et le judaïsme apocalyptique), Dieu a tout transfiguré dans son Amour dès l'origine, et la mort n'est entrée dans le monde que par la rupture de cet Amour (Sg 2,23s).

Le choix de la première version, est devenu classique :YHWH fait la paix et crée le mal(heur).
En traduisant "bien" en "paix", le mal devient le mal(heur) ou la guerre. Ce sens convient aux chrétiens (et au judaïsme apocalyptique) pour qui le mal ne peut pas venir de Dieu qui a tout fait « bon » et par amour. Le mal vient essentiellement d’un péché de l’homme quel que soit le poids de culpabilité que cela entraîne. On comprend que Qumran ait gardé le texte original, attendant de Dieu qu'il vienne rendre la communion originelle que le péché a rompu.(+2)
en savoir plus
(+1) Cf Cyrus et le cylindre de Pasargades (Pierre Lecoq Inscriptions achéménides Gallimard 1997
(+2) On trouvera une explication plus détaillée dans le livre à paraître : la foi des commencement. Référence à donner
fermer
(RELECTURE 1)
A Qumran, c'est-à-dire entre 150 av. JC et 100 ap. JC.

Bien et mal

Dans la version de Qumran (première version), tout vient de YHWH,  bien et mal. Il reviendra à l’homme, doté des commandements, de choisir.
Dieu ne manifeste pas moins d’Amour envers l’homme en le mettant dans un chaos, pourvu que la Torah guide sa liberté. Le Dieu qui, dans son Amour, a tout fait « de rien » (2 M 7,28) peut transfigurer l'action et l'être de la créature humaine, qui s'efforce de pratiquer la Torah, y compris dans le chaos de la persécution. Et ceci jusqu'à la victoire finale de l'Amour dans le monde (Messie collectif à la fin des temps).
 
Dans ce judaïsme apocalyptique, cet Amour a pu transfigurer l'homme dès l'origine. Et c'est le refus d'Amour qui a fait perdre au monde la transfiguration qui le rendait incorruptible (Sg 2,23s). Il pourra attendre une nouvelle manifestation de cet Amour. 

Dans le judaïsme officiel, le mal ne vient pas d’un péché originel de l’homme. Il est inhérent à la création et ne nécessite pas la venue d’un rédempteur. 

Paul est devenu disciple de Jésus Christ dans les années 30. Il est passé du judaïsme officiel dont il était un pharisien zélé, à un adepte de l'apocalypse - révélation - de Jésus Christ, en qui il a reconnu l'accomplissement des promesses de Dieu à Israël, promesses qui s'étendent à tous les hommes.

Paul et le péché d'Adam

Paul en (Rm 5,12-21) optera pour la version apocalyptique. En R 5 son raisonnement est clair : si c'est par un seul homme/Jésus que nous retrouvons le salut et la communion à Dieu, pourquoi ne serait-ce pas par un seul homme/Adam que nous l'avons perdu. Il a vécu son revirement au christianisme dans une apocalypse au chemin de Damas, il adopte de ce fait l'attente apocalyptique de ses contemporains dans sa Lecture chrétienne.

Cette affirmation n'est vraiment compréhensible que remise dans son contexte :
c'est la fin de l'exil à Babylone !
En effet, le roi perse Cyrus, au nom de sa foi en la Lumière, principe éternel et universel, origine de tout, renvoie les exilés chez eux et finance même leur retour. Sa foi hénothéiste lui donne cette supériorité et une tolérance envers les autres dieux et leurs cultes.

Mais au sein des exilés, une voix se lève.
Elle répond de manière étonnante à ce nouveau défi de foi.  


En bref, Dieu créateur de tout

YHWH est l'unique Dieu, c'est lui qui crée Mazda, la lumière et non l'inverse ! Car c'est lui qui crée tout ce qui existe. Il crée le bien et le mal.
Dieu peut-il être l'auteur du mal, alors même qu'il se révèle être Amour ?
Plusieurs théologies naîtront dans le monothéisme biblique. L'une affirmera que Dieu a créé bien et mal et qu'il a donné à Israël la Torah et le Temple comme remède au mal. La prise de risque de cette liberté de l'homme vient de son Amour.

Une autre théologie affirmera que si Dieu a tout fait par amour, l'amour n'est pas seulement présent dans la prise de risque du don de la liberté fait à l'homme. Il a pu aussi bien créer avec les limites de toute créature mais l'amour qu'il mettait à le faire transfigurait ces limites. Dès lors pourquoi, si, dans cette communion transfigurée, tout était bonheur, l'homme a-t-il renoncé au bonheur? Il n'en est pas seul responsable et a reçu le venin par l'ange du mal, lui aussi créé avec la même liberté mais si proche de Dieu qu'il a pu l'envier ou jalouser l'amour qu'il avait pour l'homme (Midrash rabba). Chaque théologie s'appuiera sur les textes bibliques. Nous sommes là devant un grand carrefour théologique.
Les chrétiens, parce qu'ils reçoivent leur vision du monde du Christ Jésus, s'inscrivent dans la théologie qui affirme la communion originelle et son refus à l'instigation du Satan.

L'origine du Mal vient d'une créature spirituelle rebellée contre son Créateur : Satan, le Diable. 
Le mystère de l'origine du Mal pour le chrétien s'éclaire dans la révélation du Christ Jésus.   

Les publications de référence :

Les Seuils de la Foi

Editions Parole et Silence et Université Catholique de Lille

En savoir plus
Le blasphème de JésusLe blasphème de Jésus
Les fondements bibliquesLes fondements bibliques
Entrer dans la foi avec la BibleEntrer dans la foi avec la Bible
Autre publication du père Jacques Bernard
Ressources théologiques et philosophiquesRessources théologiques et philosophiques