Référen-ciel, références bibliques dans leurs configurations historiques
Site de références dans la Bible, son histoire, sa tradition.
Josias
Mais finalement qui était ce Josias à qui on attribue la première bible ?
Le dossier biblique est bien clair. La Bible nous dit : il avait 8 ans quand il commença à régner en -640 et il règne jusqu’à sa mort à Mégiddo en 609. Son panégyrique biblique résume sa vie en disant : « Il fit ce qui est agréable à YHWH en imitant en tout David », ce qui avait déjà été dit d’Ezéchias, et il ajoute : « sans dévier ni à droite ni à gauche » (2 R 22,1s). Ensuite viennent : la découverte du livre de la Torah (22,3-10), sa vérification par la prophétesse Hulda (22,11-20), la lecture solennelle de sa réforme de la Torah (23,1-3), la mise en œuvre de sa réforme (23,4-27) et enfin sa mort à Mégiddo, réinterprétée par les chroniques après la reconstruction du temple (2 Ch 35). Voilà pour le dossier biblique.
Le dossier archéologique
Il se trouve dans :
- les mémoires de l’histoire des peuples : En -663, sous son prédécesseur Manassé, Thèbes capitale de l’Égypte est tombée sous les coups du roi Assyrien Assurbanipal. En -612, Ninive capitale de l’Assyrie tombe à son tour sous les coups des rois de Babylone, Nabopolassar et des mèdes, Xiaxare. Les deux puissances, tour à tour ennemies et alliées du Nord et du Sud sont tombées. Le champ est libre pour réinstaller, sur une terre unifiée, les tribus de Nord et du Sud réunies par la défaite de Samarie (-721) et le salut accordé par YHWH à Jérusalem au temps de Sennachérib (-701).
- les mémoires de cour en Juda. Le long règne de Manassé, malgré de lourdes concessions aux cultes assyriens, a enrichi le pays. Un traité d’alliance néo-assyrien, qui devait être déposé à Jérusalem comme il l’était à Ninive, réglait les rapports entre Juda et l’Assyrie. Les droits perçus par l’Assyrie sur le commerce caravanier, rendu possible par la domestication récente du chameau, laissent à Manassé un droit de péage qui redore son blason. Ceci va permettre à Josias de poursuivre l’aménagement du temple entrepris par Ézéchias pour toutes les tribus dont les sanctuaires, comme le site d’Arad en témoigne, ont été démantelés.
Se dessine alors ce que l’on pourrait appeler un dossier « stratégique ». Josias doit rassembler dans un temple unique et un empire unique les réfugiés du Nord dix fois plus nombreux que les habitants du Sud.
- Il doit agir en diplomate. Au Nord comme au Sud, les tribus ont toutes une longue tradition orale dont certaines peuvent remonter à plusieurs siècles comme celle d’un Hyksos (cananéen) qui a été, au XV°s. adjoint au pharaon d’Égypte. Ces mémoires ont pu inspirer la tribu de Joseph avant sa division en tribu d’Éphraïm et Manassé. La tribu de Benjamin, fidèle à Saül, devait aussi garder en mémoire une première unité des tribus du Nord autour de Gabaon, Bethel, Sichem et une partie du Galaad transjordanien et se rappeler son ancêtre Shimeï, dénonçant David pour avoir tué Saül au Gelboé. Recomposer une mosaïque commune à toutes les tribus sans tenir compte de ces mémoires tribales aurait été voué à l’échec. Josias a réussi sa réforme en s’appuyant sur elles.
- Il doit agir en croyant. Les tribus d’origine semi-nomade, ont toutes en commun de venir du désert. Même si elles ont dû mêler à leur credo les apports des Cananéens marginaux qui les ont aidés à s’installer, ils ont lointainement en commun le dieu du sud-est du Néguev, vénéré par les madianites. C’est là que Josias doit enraciner sa réforme. Cette terre appelle son dieu YHWH que les tribus connaissent. Josias, le mettra à la racine d’un code de prescriptions commun, qu’il formule dans le cadre des traités d’alliance en vigueur de son temps. Sa réforme, il la met sous la houlette de Moïse parent des madianites et membre de la tribu de Lévi, sans territoire propre. Il ne pourra ainsi être récupéré par personne tout en s’imposant à tous. Moïse est né dans une corbeille, comme Sargon l’Assyrien. Mais il est aussi né sur le Nil et nourri par la fille de Pharaon. Avec de telles origines, Moïse pourra s’imposer aux partisans de l’Assyrie comme à ceux de l’Égypte. Ainsi Josias pourra imposer YHWH comme arbitre de toutes les alliances et seul dieu pour toutes les tribus.
On peut alors méditer sur le « credo » de Josias.
Croyant, Josias l’est quand il recueille la tradition de YHWH comme trait d’union des tribus. Il l’est aussi dans la manière dont il mène sa réforme. Si YHWH est arbitre de toutes les alliances cela doit commencer par celles qui existent entre Nord et Sud. Les scribes de Josias enracinent l’unité des tribus au plus loin que les mémoires le permettent, jusqu’à David posé comme tête d’un royaume commun. David (Sud) est victime du Saül (Nord), mais suffisamment soumis à YHWH pour respecter le oint que Dieu a momentanément choisi. Saül est si odieux que David doit se réfugier chez les Philistins. Saül est battu par ces derniers au mont Gelboé. Le Nord doit alors supplier David de régner sur eux. C’est, à l’avance, la situation des réfugiés de Samarie trahis par l’alliance d’Achaz avec les Assyriens (2 R 17,24-41). La tribu de Benjamin se souvient de Shimeï, comme de la clémence de David qui offre à Shimeï une prison dorée (2S 19,19-24).
Un Credo humble et menacé. Ce passé tumultueux ne facilite pas la situation de Josias. Seul l’arbitrage de YHWH peut le rassurer. Ainsi, sa réforme ne fait-elle que prendre le relais de celle d’Ézéchias et il en a trouvé le texte dans les ruines qu’il restaure. Il fait venir la prophétesse Hulda pour bien en attester l’origine divine. Il sait qu’il joue gros dans la situation de tension qu’il affronte. Il la paiera de sa mort. Mais sa découverte de l’hénothéisme fera que les rapatriés de Babylone, après leur découverte du monothéisme, lui en sauront éternellement gré.
Son credo du salut de Jérusalem au temps d’Ézéchias (701) vérifié par la chute de Thèbes en Égypte (-663) et de Ninive en Assyrie (-612), lui donne la force d’affronter une situation inédite : Babylone veut en finir avec l’Assyrie. L’Égypte, vassale de l’Assyrie doit lui prêter main forte contre ses ennemis. Si Josias pouvait s’appuyer sur son credo qui chante l’écrasement de l’Égypte pour lui faire barrage et laisser l’Assyrie seule se faire battre par les Mèdes de Babylone, ceux-ci gagneraient cette guerre et en seraient redevable à Josias. Appuyé sur son « credo », Josias part barrer la route à l’Égypte dans le défilé de Mégiddo. C’était sans compter avec les partisans de l’Égypte. Josias meurt au combat. Babylone a la victoire sans rien devoir à Josias. Plus tard elle prendra Jérusalem et les pro-égyptiens emmèneront de force Jérémie chercher refuge en Égypte. Josias a vécu le « credo » des tribus jusqu’à y engager sa propre vie et sa mort. Il sera regardé par les « Pères de l’Église » comme une préfiguration de Jésus dans le sacrifice qu’il fait de sa vie en conformité à son « credo ». « Josias », « Josué » et « Jésus » ont en commun la même racine évoquant le « salut ».