Verset(s) de la Bible Gn 2,25

On comprend que le fait d'être nu puisse provoquer une honte.
Mais ici, bien qu'ils soient nus, l'homme et la femme n'ont pas honte. Comment cela se fait-il ?
Une remise dans le contexte de l'époque permet d'entrer dans le sens de cette phrase. De même, le commentaire de l'ensemble du récit (Gn 2-3

) éclaire ce verset
Voir le commentaire après le tableau.

Tous deux étaient nus et n'avaient pas honte

(2,25) Or tous deux étaient "'arumim"/nus, l'homme et sa femme, et ils n'avaient pas honte.

Voir le commentaire du verset dans l'ensemble (Gn 2-3

Ce tableau permet de situer la genèse d'un texte biblique (Mémoire, Écriture, Relecture

) dans un contexte
de religions environnantes, seuil

par seuil

, dans des expressions de foi situées.

			Seuil	Expressions de la Foi	Genèse du texte

La religion mésopotamienne			1	Les dieux du ciel - Aux origines
La religion égyptienne				Patriarches - Le semi-nomadisme
La religion d'Ugarit				Assimilation/rejet - Immigration
Début de l'écriture biblique
	- VIIIe siècle	Le Baal syro-phénicien	2	Luttes contre Baal - Royaumes unifiés	MEMOIRE 1
	- VIIe siècle	Le Marduk assyrien		Trahison du frère - Chute de Samarie
	- VIIe siècle	Le Marduk assyrien		L'Alliance - Le Temple de Josias	ECRITURE 1
	- VIe siècle	Le Marduk babylonien		Hénothéisme - L'Exil
	- Ve siècle - IVe siècle	Mazdéïsme perse		Monothéismes d'Alliance
				Prêtres et Légistes - Second Temple
				Courant apocalyptique
	- IIIe siècle	L'Hellénisme égyptien		Hellénisation - Alexandre
	- IIe siècle	L'Hellénisme syrien		Persécutions - Antiochus IV
		L'Hellénisme syrien		Séparation des Asmonéens - Esséniens
	- Ier siècle	Rome		La foi dans un Judaïsme éclaté

	de 0 à 33	Judaïsme officiel et apocalyptique sous domination romaine	3	Jésus, irruption d'un nouveau monde
				Jésus et le Temple
				Jésus et la Torah
				Jésus et la Pâque
Premiers écrits du Nouveau Testament
	de 33 à 70	Judaïsme officiel	4	A Jérusalem
				Missions Judéo-chrétiennes
				En Samarie
				En Syrie
				A Rome
				A Ephèse
La tradition patristique
	+ 135	Judéo-christianisme		Les Pères apostoliques
				Les Pères d'Orient
				Les Pères d'Occident	RELECTURE 1
				Les Pères du désert
				Des Victorins aux Scholastiques

(MEMOIRE 1)

Avant que ce récit ne soit mis par écrit, il existait dans les mémoires au Nord du pays de Canaan, sans doute au temps du roi Achab (-850) ; Baal y est vénéré comme dieu de la fertilité et de la fécondité.

Les cultes de fécondité

(2,25) Or tous deux étaient nus ('arumim), l'homme et sa femme, et ils n'avaient pas honte.
Le mot "'arum" traduit ici par "nu" sera traduit au verset suivant en 3,1 par "rusé" et sera appliqué au serpent qui est à la fois "nu" (il n'a pas de poils) et "malin/trompeur" (Il se présente comme symbole phallique de vie mais il est aussi trompeur car il donne la mort et non la vie). Cette ambiguïté était inhérente au culte du Baal, puisque le roi mettait à la disposition des cultes de fécondité dans son jardin sacré autour de l'arbre de vie, les femmes de son harem comme prêtresses d'un jour.

(ECRITURE 1)

Au temps de Josias

, -620, le Sud se souvient avec amertume de la période où le Nord lui a imposé, sous le règne d'Athalie, le culte au Baal qui était pratiqué dans le Nord au temps d'Achab et de Jézabel.

La honte résultat des cultes au Baal

(2,25) Or tous deux étaient nus ('arumim), l'homme et sa femme, et ils n'avaient pas honte. Dans l'Alliance avec YHWH

, la nudité n'était pas liée aux cultes de fécondité. Ces cultes de Baal étaient d'ailleurs rejetés parce liés à des pratiques magiques et de prostitution sacrée.
Après le péché lié à l'arbre de vie et donc aux cultes de fécondité, YHWH

interroge Adam pour savoir pourquoi il se cache ; il lui dit : "qui t'a fait connaître que tu étais "'arum/nu" ? Est-ce que tu aurais mangé de l'arbre dont je t'avais ordonné de ne pas manger ? "(Gn 3,11). Adam, à l'instigation du serpent trompeur ('arum/trompeur), a cru qu'en mangeant de l'arbre de vie il serait "'arum" comme Dieu connaissant le bien et le mal (connaissance fruit de la Torah) (+1). Mais le résultat de cette désobéissance et de son commerce avec l'arbre de vie a été de découvrir la nudité comme "honte" : sentiment que devaient avoir les tribus après avoir pratiqué les cultes de vie avec les prostitutions sacrées. Dans le harem royal les prêtresses d'un jour étaient les esclaves du lendemain. Alors que dans l'Alliance, il n'y avait pas d'esclaves et la nudité liée au cultes de vie n'avait pas sa place.

(+1) La connaissance du bien et du mal désigne, au temps de Josias

, le discernement du bien et du mal grâce à la Torah, la Loi. Obéir à la Torah donne la vie, désobéir à la Torah conduit à la mort.
Mais cela peut aussi désigner la connaissance supérieure réservée aux dieux que l'homme acquiert par certaines pratiques magiques et rites sexuels. Cela lui donne le sentiment d'être au-dessus de sa condition mortelle et limitée.

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(RELECTURE 1)

Saint Augustin (IV° siècle) commente ce verset (Livre XI, "chute et châtiment d'Adam" de la Genèse au sens littéral, chapitre 1er, citation du texte, préliminaires.

Jean Paul II reprend le commentaire de saint Augustin dans son ouvrage "la théologie du corps"; voir (+1)

Relecture des Pères

Ils n'en rougissaient pas; eh ! quelle honte pouvaient-ils éprouver, quand ils n'avaient point encore senti dans leurs membres la loi qui soulève la chair contre la loi de l'esprit ?
C'est là le châtiment du péché, et ils n'en subirent les effets qu'après avoir été prévaricateurs, lorsque leur désobéissance eut enfreint le commandement, et que la justice eut puni leur crime. Auparavant ils étaient nus, et à l'abri de toute confusion; il ne se passait dans leur corps aucun mouvement qui exigeât les précautions de la pudeur : ils n'avaient rien à voiler, n'ayant rien à réprimer. (...) par un juste effet de leur désobéissance, ils sentirent en effet avant de mourir, la mort se glisser dans leurs membres et y répandre le désordre et la révolte. Mais ils ignoraient cette lutte, au moment qu'ils étaient nus et ne rougissaient pas. (+1)

(+1)
Ce commentaire de Jean-Paul II, à la suite de saint Augustin, retrouve la première signification biblique du verset où la relation de l'homme à la femme est don d'Alliance.
"S'ils n'éprouvaient pas de honte, cela veut dire qu'ils étaient unis par la conscience du don, qu'ils avaient une conscience réciproque de la signification sponsale de leurs corps dans lesquels s'exprime la liberté du don et où se manifeste toute la richesse intérieure de la personne comme sujet" (Doc Catholique 1782 (1980),262). Tiré de "la Théologie du Corps", 19 : Le sacrement du mystère, de la vérité et de l'amour.

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Un vieux récit de création, probablement transmis d'abord sous forme de tradition orale, a été relu au temps du roi Josias

(-620), à la lumière de la théologie de l'Alliance.

Nus et pourtant ils n'avaient pas honte

L'expérience des tribus semi-nomades s'installant en Canaan a été de céder aux cultes cananéens : divers rites allant de pair avec des pratiques magiques permettaient d'obtenir de Baal la fécondité et la fertilité.
Lorsque le vieux récit est mis par écrit au temps de Josias

, il est important de souligner combien ces pratiques sont contraires à l'Alliance avec YHWH

: on se souvient de l'amertume et du désenchantement que produisent ces pratiques sur ceux qui ont connu un tout autre type de rapport avec leur Dieu : YHWH

. Lui, le dieu que l'on ne convoque pas avec des rituels magiques et sexuels, mais dont on reçoit le salut, la victoire, et aussi la fécondité, gratuitement, parce qu'il est le dieu de l'Alliance et qu'il nous aime.

Cette tentation pour Israël de pratiquer les cultes aux Baals est un problème récurent ; Amos

, Osée, Jérémie, Ezéchiel dénoncent ces pratiques qui perdureront sans doute encore après l'exil.

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