Verset(s) de la Bible Ex 20,1-21

Le Décalogue (Dix paroles)souvent appelé "Dix commandements" est un texte qui fait référence pour les chrétiens.

Mais d'où vient ce texte ?
Est-il unique ou bien y a-t-il d'autres Décalogues dans la Bible ? 

Sur quel credo s'appuie-t-il et quel est son originalité par rapport aux lois des peuples d'alors ?

Le décalogue

(20,1)  Dieu prononça toutes ces paroles, et dit:
(20,2)  "Je suis Yahvé, ton Dieu, qui t'a fait sortir du pays d'Egypte, de la maison de servitude.
(20,3)  Tu n'auras pas d'autres dieux devant moi.
(20,4)  Tu ne te feras aucune image sculptée, rien qui ressemble à ce qui est dans les cieux, là-haut, ou sur la terre, ici-bas, ou  dans les eaux, au-dessous de la terre.
(20,5)  Tu ne te prosterneras pas devant ces dieux et tu ne les serviras pas, car moi Yahvé, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux qui punis la faute des pères sur les enfants, les petits-enfants et les arrière-petits-enfants pour ceux qui me haïssent,
(20,6)  mais qui fais grâce à des milliers pour ceux qui m'aiment et gardent mes commandements... 
Bible de Jérusalem (éd.1975)

Pour voir le texte biblique complet de Ex 20,1-21 

On consultera la fiche "Décalogue" dans l'index
Voir aussi (Les fondements bibliques,  page 167)

Ce tableau permet de situer la genèse d'un texte biblique (Mémoire, Écriture, Relecture) dans un contexte
de religions environnantes, seuil par seuil, dans des expressions de foi situées.
Religions environnantesSeuilExpressions de la FoiGenèse du texte
 
  La religion mésopotamienne 1 Les dieux du ciel - Aux origines MEMOIRE 1  
  La religion égyptienne Patriarches - Le semi-nomadisme    
  La religion d'Ugarit Assimilation/rejet - Immigration MEMOIRE 2  
 Début de l'écriture biblique
    - VIIIe siècle Le Baal syro-phénicien 2 Luttes contre Baal - Royaumes unifiés ECRITURE 1  
    - VIIe siècle Le Marduk assyrien Trahison du frère - Chute de Samarie    
L'Alliance - Le Temple de Josias ECRITURE 2  
    - VIe siècle Le Marduk babylonien Hénothéisme - L'Exil    
    - Ve siècle
- IVe siècle
Mazdéïsme perse Monothéismes d'Alliance    
Prêtres et Légistes - Second Temple ECRITURE 3  
Courant apocalyptique    
    - IIIe siècle L'Hellénisme égyptien Hellénisation - Alexandre    
    - IIe siècle L'Hellénisme syrien Persécutions - Antiochus IV    
    L'Hellénisme syrien Séparation des Asmonéens - Esséniens    
    - Ier siècle Rome La foi dans un Judaïsme éclaté    
 
    de 0 à 33 Judaïsme officiel et apocalyptique sous domination romaine 3 Jésus, irruption d'un nouveau monde    
Jésus et le Temple    
Jésus et la Torah    
Jésus et la Pâque    
 Premiers écrits du Nouveau Testament
    de 33 à 70 Judaïsme officiel 4 A Jérusalem    
Missions Judéo-chrétiennes    
En Samarie    
En Syrie    
A Rome    
A Ephèse    
 La tradition patristique
    + 135 Judéo-christianisme   Les Pères apostoliques    
Les Pères d'Orient    
Les Pères d'Occident    
Les Pères du désert    
Des Victorins aux Scholastiques    
 

Les codes avec prologue historique suivent le schéma néo Assyrien des codes présents à la cour de Jérusalem (et chez le vainqueur) depuis la conquête de l'Assyrie.   

Prologue historique

(20,1)   Dieu prononça toutes ces paroles, et dit:
(20,2)  "Je suis YHWH ton Dieu, qui t'a fait sortir du pays d'Egypte, de la maison de servitude.  On a là le credo de base de la théologie de Josias (-6°s) puisé dans les mémoires ancestrales. Ce credo est déjà présent chez Amos (Am 4,10) au temps de Jéroboam II (-8°s) après la suppression par Jéhu des cultes de Baal au Nord comme au Sud (-9°s) (2 R 9-11).  
On comparera le Décalogue d'Exode 20 et celui de (Dt 5,1-22). 
  
Ce sont là des stipulations générales qui reflètent un passage de "seuil" dans les  fondamentaux. On passe de la foi monolâtre au monothéisme. Ce changement de "seuil" va donner une autre portée aux codes (commandements) qui en dépendront.  

Stipulations générales (dans le décalogue)

(20,3)  Tu n'auras pas d'autres dieux devant moi. S'il existe d'autres dieux, tu ne les mettras pas devant ma face. C'est une profession de foi monolâtre, présente dès les premières rédactions bibliques sous Jéroboam II (-8°s) (Os 13,4), et bien dans le contexte qui succède à la purge exercée par Jéhu (2 R 9.10) de tout ce qui était relent du culte au Baal (-9°s). Il est dans la ligne de la réaction du 1°Isaïe contre le roi Achaz (-7°s) lequel avait pris modèle sur l'autel Assyrien pour en faire la réplique dans le temple de Jérusalem (2 R 16,10-18).

(20,4)  Tu ne te feras aucune image sculptée, rien qui ressemble à ce qui est dans les cieux, là-haut, ou sur la terre, ici-bas, ou dans les eaux, au-dessous de la terre. On a là un pas de plus, conforme aux formulations monothéistes du deuxième Isaïe (Is 43) et (Is 44) durant l'Exil à Babylone (-6°s).

(20,5)  Tu ne te prosterneras pas devant ces dieux et tu ne les serviras pas, car moi Yahvé, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux (qui ne tolère pas de dieu concurrent) qui punis la faute des pères sur les enfants, les petits-enfants et les arrière-petits-enfants, pour ceux qui me haïssent,(Cf. (2 R 24,3)).

(20,6)  mais qui fais grâce à des milliers pour ceux qui m'aiment et gardent mes commandements. On est à nouveau dans la théologie du Deutéronome qui établit une corrélation entre les générations en ce qui concerne le péché et sa punition. Corrélation qui sera combattue par Jérémie (Jr 31,29 ; Dt 24,16) et par Ezéchiel (Ez 18,2): les raisins verts ne doivent pas agacer les dents des enfants. 

Les stipulations particulières (dans le décalogue)

(20,7)  Tu ne prononceras pas le nom de Yahvé ton Dieu à faux, car Yahvé ne laisse pas impuni celui qui prononce son nom à faux. Prendre à témoin les dieux dans un litige, suppose un système judiciaire, avec juges et avocats. En l'absence d'un tel système, le prendre à témoin ne servait à rien Dieu étant le seul juge. On est donc à une période de juges ou une période royale puisqu'on éprouve le besoin de prendre Dieu à témoin devant eux. Cela nous renvoie soit au temps d'Achab , où une législation commune a pu avoir lieu entre le Nord et le Sud, mais cela renvoie plus vraisemblablement au temps de Josias.

(20,8)  Tu te souviendras du jour du sabbat pour le sanctifier.  Quand on compare les deux décalogues d' Ex 20 et de (Dt 5,1-22), les deux ont la vénération du Shabbat. Mais que recouvre le shabbat pour chacun des textes ? Etait-il simplement le jour de pleine lune dans le calendrier lunaire ? De fait, à l'époque d'Osée et de Jéroboam II ( - 8°s) il est mis en parallèle avec la "néoménie" c'est-à-dire la nouvelle lune (Os 2,13). Par contre, après l'Exil à Babylone les shabbats réguliers remplacèrent les jours "shapattu/pleine lune" babyloniens qui se fêtaient les 7, 15, 21 et 28 du mois lunaire (qui ne fait pas des semaines régulières)(+1). Les exilés s'identifièrent en fêtant les 7, 14, 21 et 28 et par ce déplacement minime, fêtèrent des shabbats hebdomadaires. Il en firent même le repos de Dieu au terme du récit de de la Création qui consacrait leur nouvelle foi dans le monothéisme de l'Amour créateur. Le shabbat, n'a pas le même fondement dans (Dt 5,15) où il est basé sur le libération de l'esclavage lors de l'Exode, et dans Ex 20 où il est basé sur le nouveau calendrier en Exil modèle du récit de la Création. 
en savoir plus
(+1)Les jours "shapattu" du calendrier assyro-babylonien tombaient les 7,15,21,28 du mois. Marc DE LAUNAY "Histoire du sens et sens de l'histoire" CNRS Edit. Septentrion 2011 p.89   
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(ECRITURE 3)
Après l'Exil et conformément au texte de création sacerdotal
(Gn 1).
(20,9)  Pendant six jours tu travailleras et tu feras tout ton ouvrage;
(20,10)  mais le septième jour est un sabbat pour Yahvé ton Dieu. Tu ne feras aucun ouvrage, toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni tes bêtes, ni l'étranger qui est dans tes portes.(Ex 23,12) Le texte du code d'alliance connaît donc un fondement humanitaire de la pratique du shabbat.

(20,11)  Car en six jours Yahvé a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qu'ils contiennent, mais il s'est reposé le septième jour, c'est pourquoi Yahvé a béni le jour du sabbat et l'a consacré.  Le fondement de l'observation du shabbat devient le repos de Dieu le 7° jour. De signe d'identité durant l'Exil (on s'identifie souvent par un petit décalage de calendrier), le shabbat est devenu le point d'orgue de toute l'oeuvre de création (Gn 2,1-3). Il ne tardera pas à devenir le rite essentiel de la liturgie du second Temple.  
(MEMOIRE 1)
Le soin apporté aux parents fait partie des codes ancestraux.
(20,12)  Honore ton père et ta mère, afin que se prolongent tes jours sur la terre que te donne Yahvé ton Dieu. A l'époque du "Bronze récent (-1550 à -1180), la clause sur le devoir d'honorer son père et sa mère, devient une formule courante dans les transmissions d'héritage". Auparavant, au bronze ancien, l'héritage revient au fils aîné.... Au bronze récent, l'héritage revient à celui qui a "honoré/pris soin" de ses parents" ( Liverani "La Bible et l'invention de l'histoire" , page 101). 
Les codes évoluent à chaque changement de "seuil" et se conforment aux nouveaux fondamentaux (cosmogonie et histoire) marquant de manière nouvelle chacun de ces "seuils". 
(20,13)  Tu ne tueras pas.
La limite au meurtre est déterminée par les lois de la vengeance. Celles-ci n'ont cessé d'évoluer : elles sont passées, entre tribus d'Israël, de l'extermination totale de la tribu pour garantir le non retour au dieu ennemi vaincu, à une limite au chiffre 7 (Gn 4,1) et (Gn 4,24); puis à la loi du Talion "oeil pour oeil" qui limite la vengeance à la réciprocité exacte (Ex 21,24) dans le cadre d'une loi casuistique plus tardive ou du sacerdotal (Lv 24,20). Avec Jésus, nouveau seuil de foi, cette loi deviendra l'amour de l'ennemi et le pardon sans limite (Mt 5,38).  
(20,14)  Tu ne commettras pas d'adultère.  
L'adultère, est en ce temps-là, la cause principale des vengeances qui pouvait décimer la tribu. Car le mari frustré tuera le fautif dans l'autre tribu. Ce dernier aura un "vengeur/proche parent" qui trouvera une victime dans la tribu adverse, et ainsi de suite. Le chiffre de la vengeance a connu la limite de 7 (Gn 4,15) avant d'être limité par la loi du "talion". Il faut donc couper l'adultère à la racine. Aujourd'hui c'est encore une cause importante de crimes dits "passionnels" comme pour en excuser la portée.

(20,15)  Tu ne voleras pas.   Cette loi vise le rapt d'homme/femme libre. Lui aussi est la cause de vengeances qu'il vaut mieux éradiquer dans son principe. 
 
(20,16)  Tu ne porteras pas de témoignage mensonger contre ton prochain.
(20,17)  Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain. Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son boeuf, ni son âne, rien de ce qui est à ton prochain."  

Retour au cadre narratif

(20,18)  Tout le peuple voyant ces coups de tonnerre, ces lueurs, ce son de trompe et la montagne fumante, eut peur et se tint à distance. 
Il est clair que YHWH s'est totalement substitué au Baal dont il a repris tous les symboles.
.
(20,19)  Ils dirent à Moïse: "Parle-nous, toi, et nous t'écouterons; mais que Dieu ne nous parle pas, car alors c'est la mort."
(20,20)  Moïse dit au peuple: "Ne craignez pas. C'est pour vous mettre à l'épreuve que Dieu est venu, pour que sa crainte vous demeure présente et que vous ne péchiez pas."
(20,21)  Le peuple se tint à distance et Moïse s'approcha de la nuée obscure où était Dieu.   Tout ce paragraphe fait suite à (Ex 19,25) et remet le décalogue dans le cadre de la théophanie qui le précédait et maintenant le conclut.  
Ce décalogue écrit en grande partie à l'époque de Josias, est assez proche de celui que l'on trouve en (Dt 5). Pourtant, il a ses particularités. 

En bref, le décalogue

Il commence par le rappel de ce que Dieu a fait pour son peuple, ainsi la manière de vivre du peuple découle du salut qu'il a reçu de son Dieu. 
La foi est monolâtre et non monothéiste (rendre un culte à un seul Dieu), mais la prescription du repos sabbatique est référée au 7ème jour de la création (Gn 1) et non à la sortie d'Egypte, comme c'est le cas en (Dt 5).

Le précepte concernant la prise en charge des parents est commun au moyen Orient ancien et remonte à des temps ancestraux. 
L'injonction de ne pas tuer concerne à priori les gens du même peuple et non pas les ennemis. Nous mesurons le seuil de foi qu'apporte Jésus quand il demande d'aimer ses ennemis. 
L'adultère est interdit comme dans tout le moyen orient ; il le reste dans la plupart des pays aujourd'hui, de même qu'il est passible de mort. 
L'interdit de vol vise avant tout le rapt d'homme ou de femme. les autres interdits ne sont pas propres à Israël, ils sont en vigueur dans toutes les sociétés de l'époque. 
Par contre la finale du texte où les puissances céleste s'expriment (tonnerre, éclairs) témoignent que YHWH a détrôné Baal, le dieu de l'orage et le peuple reçoit ces commandements du Dieu du désert, au Sinaï. 
Ces lois sont proches de celles des sociétés de l'époque, en même temps ce décalogue contient des éléments qui caractérisent la foi biblique.

Les publications de référence :

Les Seuils de la Foi

Editions Parole et Silence et Université Catholique de Lille

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