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Verset(s) de la Bible Si 15,11-15
Ce texte porte sur la question de l'origine de l'inclination de l'homme vers le mal.
Cette question traverse toutes les religions, les sagesses, les cultures...
Chacune a sa réponse dont découle une manière d'envisager l'humanité, la vie, la mort, le salut...
Quelle est la position de notre texte sur cette question ?
Nous allons voir qu'elle n'est pas si simple et qu'elle porte la trace d'enjeux théologiques importants...
Voir le commentaire dans le tableau ci-dessous.
L'homme laissé dans les mains du Mauvais ou à son conseil ?
(15,11) Ne dis pas : "C'est le Seigneur qui m'a fait pécher", car il ne fait pas ce qu'il a en horreur.
(15,12) Ne dis pas : "C'est lui qui m'a égaré", car il n'a que faire d'un pécheur.
(15,13) Le Seigneur hait toute espèce d'abomination et aucune n'est aimée de ceux qui le craignent.
(15,14) C'est lui qui au commencement a fait l'homme et il l'a laissé à son conseil.
(15,15) Si tu le veux, tu garderas les commandements pour rester fidèle à son bon plaisir.
Bible de Jérusalem (Ed. 1975)
Voir aussi (Fondements bibliques, pages 288 et 540)
Ce tableau permet de situer la genèse d'un texte biblique (Mémoire, Écriture, Relecture) dans un contexte
de religions environnantes, seuil par seuil, dans des expressions de foi situées.
de religions environnantes, seuil par seuil, dans des expressions de foi situées.
Religions environnantes | Seuil | Expressions de la Foi | Genèse du texte | ||||
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La religion mésopotamienne | 1 | Les dieux du ciel - Aux origines | |||||
La religion égyptienne | Patriarches - Le semi-nomadisme | ||||||
La religion d'Ugarit | Assimilation/rejet - Immigration | ||||||
Début de l'écriture biblique | |||||||
- VIIIe siècle | Le Baal syro-phénicien | 2 | Luttes contre Baal - Royaumes unifiés | ||||
- VIIe siècle | Le Marduk assyrien | Trahison du frère - Chute de Samarie | |||||
L'Alliance - Le Temple de Josias | |||||||
- VIe siècle | Le Marduk babylonien | Hénothéisme - L'Exil | |||||
- Ve siècle - IVe siècle |
Mazdéïsme perse | Monothéismes d'Alliance | |||||
Prêtres et Légistes - Second Temple | |||||||
Courant apocalyptique | |||||||
- IIIe siècle | L'Hellénisme égyptien | Hellénisation - Alexandre | ECRITURE 1 | ||||
- IIe siècle | L'Hellénisme syrien | Persécutions - Antiochus IV | |||||
L'Hellénisme syrien | Séparation des Asmonéens - Esséniens | ||||||
- Ier siècle | Rome | La foi dans un Judaïsme éclaté | |||||
de 0 à 33 | Judaïsme officiel et apocalyptique sous domination romaine | 3 | Jésus, irruption d'un nouveau monde | ||||
Jésus et le Temple | |||||||
Jésus et la Torah | |||||||
Jésus et la Pâque | |||||||
Premiers écrits du Nouveau Testament | |||||||
de 33 à 70 | Judaïsme officiel | 4 | A Jérusalem | ||||
Missions Judéo-chrétiennes | |||||||
En Samarie | |||||||
En Syrie | RELECTURE 1 | ||||||
A Rome | |||||||
A Ephèse | |||||||
La tradition patristique | |||||||
+ 135 | Judéo-christianisme | Les Pères apostoliques | |||||
Les Pères d'Orient | |||||||
Les Pères d'Occident | |||||||
Les Pères du désert | |||||||
Des Victorins aux Scholastiques |
Durant la période hellénistique (3° siècle av JC), avant les persécutions (-165 av. JC), la création est relue à la manière platonicienne.
Le diable ou le conseil ?
(15,11) Ne dis pas : "C'est le Seigneur qui m'a fait pécher", car il ne fait pas ce qu'il a en horreur. Si Dieu a créé l'homme, quand celui-ci fait le mal, le Créateur doit y être pour quelque chose, puisque c'est Lui qui a fait le monde et l'homme limités. Pourtant, on ne peut pas aller jusqu'à dire que c'est Dieu qui fait pécher l'homme.
(15,12) Ne dis pas : "C'est lui qui m'a égaré", car il n'a que faire d'un pécheur. Dans l'Alliance, le péché de l'homme est un refus d'aimer Dieu. Le pécheur garde sa responsabilité et Dieu ne peut pas forcer à aimer celui qui refuse de le faire.
(15,13) Le Seigneur hait toute espèce d'abomination et aucune n'est aimée de ceux qui le craignent. Le mal est haïssable aux yeux de Dieu, et aux yeux de celui qui est dans l'Alliance.
Tous les courants du judaïsme peuvent se reconnaître dans ce qui est dit là.
Les divergences arrivent ensuite :
Tous les courants du judaïsme peuvent se reconnaître dans ce qui est dit là.
Les divergences arrivent ensuite :
(15,14) C'est lui qui au commencement a fait l'homme L'allusion aux récits de création est claire. "Au commencement" vise (Gn 1), un texte bien connu à l'époque. Mais deux interprétations en sont faites :
- Si Dieu crée par Amour, il a pu le créer en communion avec lui au-delà de ses limites de créature ; l'homme pouvait être doté d'incorruptibilité, à l'image de Dieu (Sg 2,23s). (+1)
- Si Dieu crée par Amour, il a pu le créer en communion avec lui au-delà de ses limites de créature ; l'homme pouvait être doté d'incorruptibilité, à l'image de Dieu (Sg 2,23s). (+1)
Mais cette qualité, liée à l'amour de Dieu pour sa créature, cesse si la créature refuse cet amour. Alors, Dieu se retire et laisse l'homme dans les mains du Diable, instigateur de ce refus. On a la conclusion dans la suite du verset : et il l'a laissé dans la main du diable ("diabolou" en grec ; en hébreu,"Hotepho", version de Qumran Matzada). Cette lecture va dans le sens d'un "péché originel" qui affecte la créature depuis le refus de l'amour qui me transfigurait "au commencement". On en trouve un écho en (1 Co 15,42-49).
- Dans une autre interprétation, suivie par l'Eglise qui ne veut pas voir l'homme pécheur "prédestiné" au mal depuis son refus (+2), diabolos/Hoteph sera remplacé par diaboulion/yetzer, signifiant la liberté de décision de l'homme, maintenue malgré son refus de l'amour qui le transfigurait à l'origine. Ici, le juif garde, après le péché, sa liberté vis-à-vis de la Torah donnée pour sa lutte contre le mal en lui. On lira alors : Il l'a laissé à son propre conseil (diaboulion).
- Dans une autre interprétation, suivie par l'Eglise qui ne veut pas voir l'homme pécheur "prédestiné" au mal depuis son refus (+2), diabolos/Hoteph sera remplacé par diaboulion/yetzer, signifiant la liberté de décision de l'homme, maintenue malgré son refus de l'amour qui le transfigurait à l'origine. Ici, le juif garde, après le péché, sa liberté vis-à-vis de la Torah donnée pour sa lutte contre le mal en lui. On lira alors : Il l'a laissé à son propre conseil (diaboulion).
Le judaïsme adopte cette lecture, car il ne connaît pas de péché originel transmissible et il lutte contre le prédestinationisme. (+3)
L'Eglise catholique, bien que reconnaissant la réalité du péché originel, privilégie cette même lecture contre le prédestinationisme.
(15,15) Si tu le veux, tu garderas les commandements pour rester fidèle à son bon plaisir. La liberté pour obéir à la Torah demeure, que l'on accepte (judaïsme apocalyptique) ou que l'on refuse (judaïsme officiel) le péché originel. (+4)
en savoir plus
(+1)
Quand le Siracide écrit, la rencontre avec le monde grec permet déjà de faire le lien avec "les idées incorporelles" qui prennent chair dans la création (Philon d'Alexandrie : de opificio mundi).
(+2)
Cf. certains textes de Qumran et plus tard certains textes de Calvin.
(+3)
(T Qidd 30b et dans Pirqé Aboth 4,2)
(+4)
Que l'homme vive son statut de créature sans transfiguration originelle (judaïsme officiel) ou dans le péché originel qui a fait perdre cette transfiguration (judaïsme apocalyptique), l'homme garde sa liberté devant la Torah dans les limites de son statut de créature. Mais le judaïsme attend la victoire de l'Amour de Dieu à la fin des temps, alors que le judaïsme apocalyptique attend un dévoilement de la miséricorde dans la venue d'un Messie personnel, roi prêtre ou prophète.
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Relecture de Paul, au 1° siècle ap. JC. Paul, issu du judaïsme officiel, reçoit une apocalypse qui le terrasse (Ac 9). Pour lui, le Messie rédempteur Jésus, sauve l'homme du refus originel de l'amour de Dieu.
Relecture chrétienne de Paul
Le Chrétien vivra ce statut de liberté dans le pardon du péché originel apporté par Jésus (Rm 5,12-21), que ce soit par sa venue ou par sa mort sur la croix.
Ce texte écrit à la période hellénistique a été relu et interprété dans des sens divergents.
Deux positions théologiques internes au judaïsme ancien sont repérables à la manière dont le texte est traduit.
En bref, l'homme laissé dans les mains du Diable ou à son propre conseil ?
Le judaïsme apocalyptique voit l'origine de l'inclination au mal en l'homme dans le fait que celui-ci est dans les mains du Hotef, du Diable. L'homme a été créé par Dieu et par amour, mais il a lâché la main de Dieu sous l'instigation du Satan. Depuis, les forces du mal règnent sur lui et le maintiennent loin de Dieu.
Le judaïsme officiel voit l'origine de cette inclination dans la nature même de l'homme, tout en affirmant que Dieu n'a pas créé l'homme pour qu'il pèche. A Israël, Dieu a donné la Torah pour qu'il s'oriente et lutte contre ces mauvais penchants. Le juif est donc laissé à son conseil, mais il a la Torah qui éclaire et guide son conseil...
Ces deux théologies juives qui s'expriment à travers les traductions et interprétations de (Si 15), coexistent au temps de Jésus.
Jésus et l'annonce du Royaume s'inscrivent dans le courant apocalyptique juif. Israël n'a pas la possibilité de faire son salut, même en pratiquant la Torah, même à travers le culte au Temple. Dieu lui-même doit venir le chercher et le sauver, cet Israël pécheur et malade. C'est bien ce que Jésus annonce et réalise à travers ses gestes, sa prédication et les signes qu'il donne.
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L'Eglise, à la suite de Jésus, reconnaît que l'homme a été créé dans et pour une communion d'amour inouïe avec Dieu ; elle reconnaît aussi qu'un péché, une distance, sépare l'homme de son Créateur, depuis les origines.
En même temps, l'Eglise a toujours lutter contre la doctrine de la prédestination qui consiste à dire que les "âmes" sont prédestinées soit à la perdition, soit au salut (jansénisme, certains courants protestants...). L'homme a une liberté, limitée certes, blessée même, mais il a la liberté suffisante pour dire "oui" à Dieu, à l'amour et au salut quand il s'offre à lui. Tout homme, en accueillant véritablement Jésus, recouvre sa liberté d'enfant de Dieu, qui lui donne la force et la lumière pour renoncer à Satan et à ses œuvres.
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