Verset(s) de la Bible Ac 2,22-36

Nous trouvons dans le 2ème chapitre des Actes des Apôtres, le kérygme de Pierre. 
Mais qu'est-ce qu'un kérygme ? 
Et ici, dans le contexte de la prédication des apôtres après la mort de Jésus, quel est le message qu'il délivre ? 
Jésus y est appelé le "Nazôréen", qu'est-ce que ce titre veut dire ? 
David sert manifestement de référence à l'auteur. Pourquoi ? 

Voir le tableau ci-dessous pour les commentaires

Kérygme de Pierre : Dieu l'a ressuscité

(2,22)  "Hommes d'Israël, écoutez ces paroles. Jésus le Nazôréen, cet homme que Dieu a accrédité auprès de vous par les miracles, prodiges et signes qu'il a opérés par lui au milieu de vous, ainsi que vous le savez vous- mêmes,
(2,23)  cet homme qui avait été livré selon le dessein bien arrêté et la prescience de Dieu, vous l'avez pris et fait mourir en le clouant à la croix par la main des impies,
(2,24)  mais Dieu l'a ressuscité, le délivrant des affres de l'Hadès. Aussi bien n'était-il pas possible qu'il fût retenu en son pouvoir;
(2,25)  car David dit à son sujet: Je voyais sans cesse le Seigneur devant moi, car il est à ma droite, pour que je ne vacille pas.
(2,26)  Aussi mon coeur s'est-il réjoui et ma langue a-t-elle jubilé; ma chair elle-même reposera dans l'espérance
(2,27)  que tu n'abandonneras pas mon âme à l'Hadès et ne laisseras pas ton Saint voir la corruption... 
Bible de Jérusalem (éd.1975)
Pour voir le texte biblique complet d' Ac 2,22-36
Voir aussi (Les fondements bibliques, pages 304, 316, 382, 391, 438, 449)
Ce tableau permet de situer la genèse d'un texte biblique (Mémoire, Écriture, Relecture) dans un contexte
de religions environnantes, seuil par seuil, dans des expressions de foi situées.
Religions environnantesSeuilExpressions de la FoiGenèse du texte
 
  La religion mésopotamienne 1 Les dieux du ciel - Aux origines    
  La religion égyptienne Patriarches - Le semi-nomadisme    
  La religion d'Ugarit Assimilation/rejet - Immigration    
 Début de l'écriture biblique
    - VIIIe siècle Le Baal syro-phénicien 2 Luttes contre Baal - Royaumes unifiés    
    - VIIe siècle Le Marduk assyrien Trahison du frère - Chute de Samarie    
L'Alliance - Le Temple de Josias    
    - VIe siècle Le Marduk babylonien Hénothéisme - L'Exil    
    - Ve siècle
- IVe siècle
Mazdéïsme perse Monothéismes d'Alliance    
Prêtres et Légistes - Second Temple    
Courant apocalyptique    
    - IIIe siècle L'Hellénisme égyptien Hellénisation - Alexandre    
    - IIe siècle L'Hellénisme syrien Persécutions - Antiochus IV    
    L'Hellénisme syrien Séparation des Asmonéens - Esséniens    
    - Ier siècle Rome La foi dans un Judaïsme éclaté    
 
    de 0 à 33 Judaïsme officiel et apocalyptique sous domination romaine 3 Jésus, irruption d'un nouveau monde    
Jésus et le Temple    
Jésus et la Torah    
Jésus et la Pâque    
 Premiers écrits du Nouveau Testament
    de 33 à 70 Judaïsme officiel 4 A Jérusalem MEMOIRE 1  
Missions Judéo-chrétiennes ECRITURE 1  
En Samarie    
En Syrie    
A Rome    
A Ephèse RELECTURE 1  
 La tradition patristique
    + 135 Judéo-christianisme   Les Pères apostoliques    
Les Pères d'Orient    
Les Pères d'Occident    
Les Pères du désert    
Des Victorins aux Scholastiques    
 
Premier kérygme (+1) de Pierre à Jérusalem.
Luc est l'auteur des "Actes des Apôtres"
Le discours de Pierre explique ce qui vient de se passer durant la fête de Pentecôte. Son argumentation est de type "pesher" : il part de l'événement pour en trouver le sens par une succession de références bibliques (+ 2).

Le Nazôréen ressuscité

Le discours commence par répondre à l'accusation "ils sont pleins de vin doux" en se référant au prophète Joël (Jl3 ,1-5): la plénitude d'Esprit annoncée se réalise dans l'événement qui vient d'avoir lieu. On est bien dans le "pesher".
(2,22)
  Israélites écoutez mes paroles : Jésus le Nazôréen, homme que Dieu avait accrédité auprès de vous en opérant par lui des miracles des prodiges et des signes au milieu de vous, comme vous le savez, 
Ce kerygme (+1) montre l'importance des miracles dans le judaïsme apocalyptique alors qu'ils étaient jugés inutiles dans le judaïsme officiel.
Jésus "nazôréen" et non "Nazarénien" ou "de Nazareth" : L'écriteau de la croix porte ce chef d'accusation : "Jésus le nazôréen roi des juifs"; Pilate a condamné Jésus pour un motif politique pour se couvrir aux yeux des autorités romaines (Jn 19,15); (Jn 19,19). Jésus, né à Bethléem, de famille bethléemite avait sans doute des membres de sa famille appartenant au groupe légitimiste des Nazôréen se réclamant de la descendance de David (Mc 12,35). C'est le grief que les prêtres pouvaient présenter à Pilate. Ce grief était crédible, même si Jésus avait pris ses distances vis à vis de la secte : jamais il n'a endossé le versant de messie politique. (+3)
(2,23) cet homme, selon le plan bien arrêté par Dieu dans sa prescience, vous l'avez livré et supprimé en le faisant crucifier par la main des impies ; mais Dieu l'a ressuscité en le délivrant des douleurs de la mort, car il n'était pas possible que la mort le retienne en son pouvoir. 
La primitive Église fait son enquête à travers toute l'Écriture pour comprendre le mystère de la vie de Jésus. Ce programme a été ouvert par le Ressuscité avec les pèlerins d'Emmaüs (Lc 24); il consiste à regarder dans la Torah (Pentateuque) et les prophètes tout ce qui peut éclairer l'événement Jésus : sa vie, sa mort et sa Résurrection. C'est une démarche de "pésher" (+2).
en savoir plus
(+1)
Kerygme veut dire littéralement en grec : "roulement de tambour". Ce roulement de tambour qui précède qui met en arrêt toute la population d'une ville, d'un village et qui précède l'annonce de quelque chose d'important, qui concerne tout le monde. Ce terme dans le christianisme désigne l'essentiel du message chrétien. Il existe plusieurs kérygmes, notamment dans les actes des apôtre (Ac 2, 22-36) (Ac 3, 11-15) (Ac 5, 30-32) et dans les lettres de saint Paul (1 Co 15, 3-5).

(+2)

A la différence du "midrash" dont la démarche est inverse : on part de l'Écriture pour en déployer tous les sens possibles.
(+3)
Nazôréens:
"netzer" = "branche", "rejeton", "progéniture" cf; Is 11,1, ou encore "observants" : les familles de Bethléem avaient des arbres généalogiques les rattachant à David, de sorte que les groupes apocalyptiques qui attendaient un Messie d'Israël formaient les Nazôréens, groupe rigoriste attendant le messie d'Israël. 
Ce courant légitimiste pouvait faire peur au pouvoir, notamment à Hérode qui n'hésitait pas à écraser ces soulèvements contre son pouvoir, au nom du messianisme cf. Judas le Galiléen (Ac 5,37).
Voir Nodet, "Essai sur les origines du Christianisme", p. 255.
Les prêtres utiliseront ce titre de Jésus (issu de Bethléem) pour en faire un rival de César, ce qui légitimera aux yeux de Pilate une crucifixion avec pour motif : Jésus le nazôréen, roi des juifs (le motif de crucifixion devait être affiché et être parfaitement exact) cf. Martin Hengel, crucifixion. 
Voir aussi "Fils de David". 
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(RELECTURE 1)
Relecture de type apocalyptique faite par la Septante quand elle traduit le psaume : attente d’un retour de David céleste, en même temps que son tombeau est sur la terre (2 M 7) ; (Dn 12).

Le condamné Ressuscité

L'argumentaire du discours se poursuit, passant de l'accusation et de la passion à la résurrection de Jésus. Conformément au pesher, l'événement est référé à l'Écriture, le (Ps 16,8-11) cité dans la version de la LXX (Septante), qui correspond mieux à ce qui s'est passé(+1).
(2,25)  David dans le Ps 16,8-11, en effet, dit de lui... David est pris à témoin dans l'annonce qu'il fait de sa descendance voulue par Dieu :l'argument est dans cette logique de Jésus Nazôréen, légitimiste davidique. Je voyais constamment le Seigneur devant moi, car il est à ma droite pour que je ne sois pas ébranlé : David est précédé par le Seigneur dans ses combats ; le Seigneur, à sa droite, guide son épée guerrière. Aussi mon cœur était-il dans la joie et ma langue a chanté d'allégresse. Bien mieux, ma chair reposera dans l'espérance car tu n'abandonneras pas ma vie dans l'Hadès : terme grec désignant le "Shéol"= séjour de la mort et tu ne laisseras pas ton fidèle : "Osios" en grec, en hébreu "Hasid" connaître la corruption : grec de la Septante : "diaphtoran" // "aphtarsia" ; en hébreu "shahat"/"fosse". Tu m'as montré les chemins de la vie, tu me rempliras de joie par ta présence, c'est à dire par la résurrection de ce successeur, s'il venait à mourir. 
(2,29) Frères, il est permis de vous le dire avec assurance : le patriarche David est mort, il a été enseveli, son tombeau se trouve encore aujourd'hui chez nous. 
C'est clair : David n'a plus de successeur sur terre  !
(2,30) Mais il était prophète et savait que Dieu lui avait juré par serment de faire asseoir sur son trône quelqu'un de sa descendance, issu de ses reins ; 
David est donc auprès de Dieu, attendant que la promesse faite à sa descendance s'accomplisse par la venue d'un successeur.
(2,31)il a donc vu d'avance la résurrection du Christ et c'est à son propos qu'il a dit : il n'a pas été abandonné au séjour des morts et sa chair n'a pas connu la corruption. 
Le psaume est lu dans la Septante, où l'espérance de résurrection de l'homme créé dans l'incorruptibilité est clairement affirmée(Sg 2,23s).
(2,32)Ce Jésus, Dieu l'a ressuscité, nous tous en sommes témoins. (2,33)Exalté par la droite de Dieu, il a donc reçu du Père l'Esprit Saint promis et il l'a répandu, comme vous le voyez et l'entendez. L'argumentaire s'appuie maintenant sur un troisième passage d'Écriture (pesher : non pas trois sens possibles que l'on donne au même passage d'écriture (midrash"), mais trois passages d'écritures pour rendre compte d'un événement (+1). Le nouveau "pesher" est tiré comme souvent chez Lc du Ps 110,1 (+2)
(2,34)David qui n'est pas monté au ciel, a pourtant dit à travers le psaume qu'on lui attribue : "Le Seigneur a dit à mon Seigneur : assieds-toi à ma droite
(2,35)jusqu'à ce que j'aie fait de tes adversaires un escabeau sous tes pieds" (Ps 109).
(2,36)Que toute la maison d'Israël le sache donc avec certitude : Dieu l'a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous, vous aviez crucifié
Voir Fils de David
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(+1)
C'est typique du "pesher" où ce n'est pas l'Écriture qui est commentée mais l'événement ; on choisit donc le texte massorétique ou la Septante selon qu'il éclaire le mieux l'événement. On retrouve le pescher dans les Evangiles de l'Enfance selon Matthieu où la naissance de Jésus est éclairée par les références à Moïse et dans Luc : Jésus éclairé par des textes relatifs au Temple et à David.
(+2)
Comme en final du récit du baptême de Jésus (Lc 3,22) dans la version occidentale. 
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Homélie Pascale ancienne (anonyme) :

La Pâque, commencement de la vie éternelle

La Pâque célébrée par les Juifs symbolisait le salut de leurs premiers-nés. Mais celle que nous célébrons est la cause du salut de tous les hommes, en commençant par le premier homme créé qui est sauvé et vivifié en eux tous.
Les réalités partielles et provisoires, images et figures des réalités parfaites et éternelles, préludaient, ainsi que des esquisses, à la Vérité qui s'est maintenant levée à l'horizon ; mais quand la Vérité est présente, la figure est périmée : c'est ainsi qu'après l'arrivée d'un roi, personne ne juge convenable de délaisser le roi vivant pour se prosterner devant son image.
Il est donc bien évident que la figure est inférieure à la Vérité, quand la figure fête la vie éphémère des premiers-nés juifs, tandis que la Vérité fête la vie permanente de tous les hommes. Car ce n'est pas grand-chose d'échapper à la mort pour un temps bref quand on mourra peu après, mais c'est une grande chose que d'échapper totalement à la mort ; c'est ce qui nous arrive, puisque le Christ notre Agneau pascal, a été immolé.
Le nom même de la fête prend toute son excellence si on le traduit en l'appliquant à la vérité. "Pâque", en effet, se traduit par "passage", puisque l'Exterminateur qui frappait les premiers-nés "passait" les maisons des Hébreux. Mais ce "passage" de l'Exterminateur, c'est chez nous qu'il est véritable, lorsque, une fois pour toutes, il "passe par-dessus" nous, qui avons été ressuscités par le Christ pour la vie éternelle.
Qu'est-ce que signifie, si on la considère par rapport à la Vérité, cette prescription de prendre pour commencement de l'année ce moment où s'accomplissent la Pâque et le salut des premiers-nés ? Cela signifie que, pour nous aussi, le commencement de la vie éternelle, c'est le sacrifice de l'Agneau pascal. En effet, l'année symbolise l'éternité, parce qu'elle revient toujours en cercle sur elle-même, et ne s'arrête à aucun terme. Et le Christ, offert en victime pour notre saut, est Père de l'éternité à venir. C'est-à-dire que, rendant périmée toute notre vie antérieure, il nous donne le commencement d'une autre vie par le bain de la nouvelle naissance, à la ressemblance de sa mort et de sa résurrection.
En conséquence, tout homme qui connaît l'Agneau pascal immolé pour son salut doit considérer que pour lui le commencement de la vie, c'est le moment à partir duquel le Christ est immolé pour lui. Or le Christ est immolé pour lui lorsque lui-même reconnaît la grâce et comprend la vie procurée par cette immolation. Sachant cela, qu'il aspire à prendre le commencement de cette vie nouvelle et ne retourne plus vers l'ancienne, dont il atteint le terme. Car il est écrit : Nous qui sommes morts au péché, comment continuerions-nous de vivre en lui ?
Ce premier kérygme de Pierre remonte à la primitive Eglise, lorsqu'elle apprend encore à relire l'événement JESUS, notamment sa mort et sa résurrection à la lumière des Ecritures. 
Elle le fait selon une méthode connue des juifs : le pesher : on part de l'événement et on cherche dans les Ecritures ce qui éclaire l'événement. Cette méthode diffère du midrash pratiqué majoritairement dans le judaïsme, où on part d'un verset, ou d'un passage de l'Écriture pour en explorer tous les sens possible. 

En bref, le premier kérygme de Pierre

Les Écritures permettent à la primitive Église, encore sous le choc des événements de la Pâque (condamnation, passion et crucifixion de Jésus), de comprendre ce qui s'est passé et de l'accepter... 
Plus que cela, les Écritures vont illuminer cette passion abominable de Jésus et révéler son sens profond : Oui, Jésus est bien de la descendance de David... 
Oui, il est bien Roi et Messie ! Le motif de condamnation inscrit sur la croix n'est pas une erreur, mais Jésus n'est pas messie comme on le pensait... Et sa mort, loin d'être un échec, atteste sa messianité : car les Écritures avaient annoncé les souffrances du Messie (Lc 24), de même qu'elles annoncent sa résurrection : voyez le ps. 16,8-10 et Ps 109 ! 
Ce qui nous arrive aujourd'hui, n'est-ce pas la grande prophétie de Joël qui s'accomplit ? 
Le Seigneur fait des choses nouvelles, une création nouvelle par son Esprit qu'il répand en abondance sur tous ceux qui croient ! 

Les publications de référence :

Les Seuils de la Foi

Editions Parole et Silence et Université Catholique de Lille

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