Verset(s) de la Bible Ac 6,1-7

Qui sont les diacres ? Dans quel contexte apparaissent-ils et pourquoi ?
Quel est leur rôle dans la primitive Église et leur lien avec les apôtres ?
Plus précisément, en quoi consiste ce "service des tables" ? 

Le commentaire de ces versets permet de saisir la place et le rôle déterminant des « diacres » dans l’Église naissante.

Diacres

(6,1)  En ces jours-là, comme le nombre des disciples augmentait, il y eut des murmures chez les Hellénistes contre les Hébreux. Dans le service quotidien, disaient-ils, on négligeait leurs veuves. 
(6,2)  Les Douze convoquèrent alors l'assemblée des disciples et leur dirent : "Il ne sied pas que nous délaissions la parole de Dieu pour servir aux tables. 
(6,3)  Cherchez plutôt parmi vous, frères, sept hommes de bonne réputation, remplis de l'Esprit et de sagesse, et nous les préposerons à cet office ; 
(6,4)  quant à nous, nous resterons assidus à la prière et au service de la parole." 
(6,5)  La proposition plut à toute l'assemblée, et l'on choisit Etienne, homme rempli de foi et de l'Esprit Saint, Philippe, Prochore, Nicanor, Timon, Parménas et Nicolas, prosélyte d'Antioche. 
(6,6)  On les présenta aux apôtres et, après avoir prié, ils leur imposèrent les mains. 
(6,7)  Et la parole du Seigneur croissait ; le nombre des disciples augmentait considérablement à Jérusalem, et une multitude de prêtres obéissaient à la foi.
Bible de Jérusalem (Ed. 1975) 
Ce tableau permet de situer la genèse d'un texte biblique (Mémoire, Écriture, Relecture) dans un contexte
de religions environnantes, seuil par seuil, dans des expressions de foi situées.
Religions environnantesSeuilExpressions de la FoiGenèse du texte
 
  La religion mésopotamienne 1 Les dieux du ciel - Aux origines    
  La religion égyptienne Patriarches - Le semi-nomadisme    
  La religion d'Ugarit Assimilation/rejet - Immigration    
 Début de l'écriture biblique
    - VIIIe siècle Le Baal syro-phénicien 2 Luttes contre Baal - Royaumes unifiés    
    - VIIe siècle Le Marduk assyrien Trahison du frère - Chute de Samarie    
L'Alliance - Le Temple de Josias    
    - VIe siècle Le Marduk babylonien Hénothéisme - L'Exil    
    - Ve siècle
- IVe siècle
Mazdéïsme perse Monothéismes d'Alliance    
Prêtres et Légistes - Second Temple    
Courant apocalyptique    
    - IIIe siècle L'Hellénisme égyptien Hellénisation - Alexandre    
    - IIe siècle L'Hellénisme syrien Persécutions - Antiochus IV    
    L'Hellénisme syrien Séparation des Asmonéens - Esséniens    
    - Ier siècle Rome La foi dans un Judaïsme éclaté    
 
    de 0 à 33 Judaïsme officiel et apocalyptique sous domination romaine 3 Jésus, irruption d'un nouveau monde    
Jésus et le Temple    
Jésus et la Torah    
Jésus et la Pâque    
 Premiers écrits du Nouveau Testament
    de 33 à 70 Judaïsme officiel 4 A Jérusalem ECRITURE 1  
Missions Judéo-chrétiennes    
En Samarie    
En Syrie    
A Rome    
A Ephèse    
 La tradition patristique
    + 135 Judéo-christianisme   Les Pères apostoliques    
Les Pères d'Orient    
Les Pères d'Occident RELECTURE 1  
Les Pères du désert    
Des Victorins aux Scholastiques    
 
On est à Jérusalem où il y a des juifs chrétiens à qui les apôtres peuvent prêcher de plain pied dans leur langue. Le partage des biens est, comme à Qumran, le signe de l'entrée dans une vie communautaire nouvelle (Ac 2,42). Mais à la différence de Qumran, les premières communautés chrétiennes issues du judaïsme n'étaient pas fermées et leurs membres continuaient à pratiquer la circoncision et même à fréquenter le Temple. Certes le Sanhédrin interdit aux apôtres d'y prêcher et de faire des miracles au nom de Jésus, mais en dehors de la période d'Agrippa de 41 à 44 après JC (Ac 12,1-23), et jusque 62 (martyre de Jacques), la communauté judéo-chrétienne n'est pas persécutée, mais seulement en marge du judaïsme. Parmi ces communautés judéo-chrétiennes, en Samarie, en Candace (Ethiopie), en Décapole certaines s'ouvrent à des juifs hellénistes de langue grecque. Ces derniers, à cause de la langue, risquent d'être défavorisés dans les services de la communauté aux pauvres et aux veuves. Venant de l'étranger, habitués à vivre autour des synagogues, sans aller au Temple ni pratiquer la circoncision, ils risquent d'être mis à part dans la communauté.

Appel des diacres

(6,1)   En ces jours-là le nombre des disciples augmentait et les "Hellénistes" se mirent à récriminer contre les "Hébreux" parce que leurs veuves étaient oubliées dans le service quotidien.
On ne parle pas de "païens" ou de "juifs", mais d'hellénistes et d'hébreux. Le tableau est situé d'emblée dans le cadre d'un conflit linguistique ou d'un conflit culturel. Il y avait l'obstacle de la langue. Les premières catéchèses devaient se faire en araméen (+1), même si rapidement on a opté comme nos évangiles pour le grec. Les communautés judéo-chrétiennes naissantes étaient tentées de tenir à l'écart ces juifs hellénistes chrétiens venus de la diaspora qui risquaient de mettre en danger la communauté issue du judaïsme vis-à-vis du Sanhédrin et du Temple auquel les judéo-chrétiens restaient plus ou moins attachés.
De plus, n'étant pas juifs, ils ne pouvaient participer aux subsides collectés au Temple pour les plus pauvres.
Il y avait pourtant un précédent : si la théologie des chrétiens de langue hébraïque héritait du courant apocalyptique
elle avait vis-à-vis du Temple, pour la raison que le Christ était devenu le nouveau Temple, une catéchèse propre comme en témoigne le discours d'Etienne (+2)
Le courant apocalyptique juif, éloigné du Temple avait pallié à cet éloignement par ses propres habitudes communautaires (1 QS 1,12-14). Chaque communauté assumait elle-même le soin particulier envers les vieillards (Règle Annexe 1,19). Les judéo-chrétiens n'avaient pas gardé ce rejet total du temple. Mais il était exclu de faire participer des veuves pagano-chrétiennes aux largesses du Temple. Cette difficulté devait là encore se résoudre dans les communautés eucharistiques chrétiennes qui, dans leur service quotidien, lui aussi éloigné du Temple, devaient plus ou moins en prendre le relais vis-à-vis des nécessiteux.
Comment les apôtres de langue juive, donnés à la prédication de l'Évangile dans leur langue et sur fond de tradition juive, ayant
opté à la suite de Jésus pour le courant apocalyptique présent à Qumran mais sans sa marginalisation par rapport au Temple, pouvaient-il réussir à négocier ce tournant dans une autre langue, une autre culture, avec d'autres habitudes communautaires ? Un fossé risquait de se creuser entre judéo-chrétiens et pagano-chrétiens sur la question essentielle de la charité et en particulier envers les personnes âgées et les veuves.
Il fallait instituer des gens capables d'instruire les deux Tables : de l'Ancien Testament avec les adaptations dont témoigne encore le discours d'Etienne (+2) et du Nouveau Testament, dans la langue de leur culture et avec le même souci de la communion fraternelle (Ac 2,42-44) envers les pauvres et les veuves. Les veuves, sans cela, risquaient d'être laissées pour compte.
Ce problème résolu, ils pourraient continuer à s'adonner à la prédication de l'Évangile dans la langue où avait été donnée par Jésus la seconde table du Nouveau Testament.

 
(6,2)  Les Douze convoquèrent alors l'assemblée plénière des disciples et dirent : il ne convient pas que nous délaissions la Parole de Dieu pour le service des tables.
(6,3)  Cherchez plutôt parmi vous sept hommes de bonne réputation, remplis d'Esprit et de sagesse et nous les chargerons de cette fonction.  
Le "service des tables" était le cœur de la vie commune ; il consistait en une catéchèse qui passait des "tables de pierres" de la Torah sinaïtique, inscrite sur la "pierre", à la table de "chair" (évoquée dans Ez 36,26) et devenue la foi en Jésus "incarné", éclairée par l'Esprit Saint. Cette table de la foi était aussi la table de la manne nouvelle, c'est-à-dire du pain devenu le corps livré sur la Croix et de la coupe de la nouvelle Alliance dans le sang de Jésus. Tel était l'essentiel du service des tables, qui, en troisième lieu, comportait aussi la répartition des biens aux nécessiteux, en particulier les veuves et les orphelins.
Ce "service des tables" posait donc non seulement le problème du partage des biens avec les veuves de la communauté hellénistique, mais celui de la prédication, lors des Eucharisties, (dans deux cultures et deux langues différentes) de la Torah de Moïse à Jésus. Il ne fallait pas que ces préoccupations communautaires autour de l'Eucharistie freinent les apôtres dans l'annonce de l'Évangile et dans la création de nouvelles communautés. Les Douze décidèrent donc d'imposer les mains à sept hellénistes pour ce service des tables aux chrétiens issus du paganisme, lors des eucharisties en langue grecque : prédication spécifique et partage des biens.
De là, naquirent avec Philippe, des communautés chrétiennes en Ethiopie, en Samarie et dans tous les pays limitrophes. Ce fut le départ de la mission en terre païenne.
Les diacres devaient avoir une vie aussi parfaite que celle des apôtres et restaient, en ce qui concerne la prédication de l'Évangile, sous leur autorité. L'imposition des mains leur transférait le pouvoir apostolique. 

(6,4)  Quant à nous nous continuerons à assurer la prière et le service de la Parole.
(6,5)  Cette proposition fut agréée par toute l'assemblée : ils choisirent Etienne, un homme plein de foi et d'Esprit Saint, Philippe, Prochore, Nicanor,Timon, Parmenas et Nicolas, prosélyte d'Antioche ;
(6,6)  Ils les présentèrent aux apôtres, et ayant prié ils leur imposèrent les mains.
Qui leur impose les mains les apôtres ou bien la communauté ? Les deux étaient possibles, mais n'ont pas la même signification. Si ce sont les Apôtres, ils en font les "alter ego" de leur propre participation à la "shelihut" du Christ (comme Matthias). Si c'est la communauté, ils deviennent "alter ego" de la communauté, ses représentants. Or cette communauté est aussi le Christ.
en savoir plus
(+1)
Il y a alors un Matthieu araméen encore cité par les pères grecs et Jean-Marie Van Cangh a montré qu'il devait y avoir aussi un Mc araméen.
(+2)
On a un exemple de cette catéchèse appropriée dans le discours d'Etienne (Ac 7). Il a une manière bien spécifique d'annoncer la première table (celle du Sinaï). Plus de la moitié du discours parle d'Abraham de Haran (7,1-8), Joseph en Egypte (9-18), Moïse persécuté (19-29), le Sinaï et la première table (30-36), Moïse persécuté et la punition de l'idolâtrie jusqu'à David et Salomon (37-46). Le Temple (47) Mais Dieu n'habite pas un temple fait de mains d'hommes et, depuis Moïse, vous avez toujours persécuté les prophètes.
On a donc 1 seul verset, aussitôt contesté, sur le Temple. Et 20 versets sur le prophète Moïse persécuté précurseur de Celui annoncé en Dt 18,15 (Jésus) (Ac 7,37). 
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L'institution des diacres est très ancienne ; elle précède celle des presbytes et celle des épiscopes ; les communautés chrétiennes sont encore à Jérusalem avant les violentes persécutions qui provoqueront leur exil massif.

Les Douze font autorité auprès de tous les "adeptes de la voie". Mais voilà que de plus en plus de juifs hellénistes se convertissent : ils parlent grec, ont la double culture juive et grecque, une théologie sans Temple, mais reconnaissent Jésus comme Seigneur et Sauveur. Leur nombre croissant et leur culture différente des juifs de Judée et même de Galilée, est un défi pour les apôtres : qui va prendre soin d'eux ?  

En bref, l'institution des diacres au début de l'Eglise

Devant la situation, les apôtres décident, pour permettre à l'Évangile d'atteindre tous ceux que Dieu appelle, d'instituer des "diacres" (serviteurs).

En leur imposant les mains, ils leurs confèrent leur propre pouvoir pour, au nom de Jésus, prêcher l'Evangile, gouverner la communauté, baptiser et très probablement célébrer le repas du Seigneur. Leur ministère se distinguait de celui des apôtres dans le fait qu'il était pour les juifs hellénistes. Les diacres ont eu un rôle déterminant pour la mission "ad gentes" et pour l'inculturation de l'Evangile.  

Le diaconat était donc une institution de première importance dans l'Eglise primitive. Il évoluera au cours des siècles et selon les lieux. Aujourd'hui, il est souvent, à tort, considéré comme moins important que le presbytérat. 

Les publications de référence :

Les Seuils de la Foi

Editions Parole et Silence et Université Catholique de Lille

En savoir plus
Le blasphème de JésusLe blasphème de Jésus
Les fondements bibliquesLes fondements bibliques
Entrer dans la foi avec la BibleEntrer dans la foi avec la Bible
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